Description

Mais aussi avec bien d'autres moyens de transport parfois des plus surprenants... Le 1er juillet 2010, je pars de Bretagne à vélo. Arrivé au Maroc, je traverse l'océan Atlantique en voilier-stop. Je passe ensuite un an et demi en Amérique du sud. Puis d'avril 2012 à septembre 2013, je traverse l'océan Pacifique en voilier. Enfin, en mars 2014, je reprends le vélo pour rentrer en France depuis Bangkok, en suivant la route de la soie à travers la Chine et l'Asie Centrale...

mercredi 26 janvier 2011

Rio : la plus belle ville du monde !

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Rio de Janeiro... ville soleil, de la main du Corcovado, je reçois le coup de foudre... je suis totalement tombé amoureux de cette cité. Je ne sais plus qui disait : " Il faudrait construire les villes à la campagne ! " Rio est non seulement à la campagne mais aussi à la mer et à la montagne. La ville a été fondée sur le plus beau site du monde que pourraient imaginer les urbanistes dans leurs rêves les plus fous.



Je fais connaissance avec ma promise en me pliant aux incontournables visites du Corcovado et du Pain de Sucre. C'est évidement le truc à touristes mais cela vaut le déplacement. Les vues depuis ces morros sont véritablement exceptionnelles et c'est la seule façon de comprendre la topologie complexe de la ville.



En plein centre ville, Rio possède la plus grande forêt urbaine du monde, des dizaines de morros et des plages toutes différentes, plus belles les unes que les autres.


En quelques minutes, on peut indifféremment aller pratiquer tous les sports terrestres, nautiques ou aériens... il y a même des cascades où les gens se baignent !


A l'image du Brésil, Rio est une véritable mosaïque de quartiers différents, chacun ayant sa propre identité. La mistura brésilienne offre ici sa quintessence urbanistique. Depuis le quartier de Santa Tereza, un petit Montmartre que j'adore, le panoroma est représentatif des composantes de la cité. Il montre l'étonnant patchwork des différents tissus urbains, collés les uns aux autres, qui fait toute la richesse de cette ville.



Rio reste à jamais la capitale culturelle du Pays et son histoire est imprégnée dans son architecture. Il y a ici une vie artistique, culturelle et intellectuelle de premier plan. Le premier soir j'assiste à une pièce de théâtre en plein air retraçant l'histoire du Brésil. Le jour suivant, je fais la connaissance de Marta, une amie de ma soeur, professeur de Psychanalyse à l'Université Fédérale de Rio. Elle me fait découvrir le quartier de Lapa très animé le soir. Partout des bars, des concerts et des lieux où les gens viennent danser. Je passe une délicieuse soirée avec Marta, qui me fait rire car, pure carioca qu'elle est, c'est la plus Française des Brésiliennes qu'on puisse trouver. Son regard aiguisé sur le Brésil est passionnant et nous discutons tard dans la nuit.



Le lendemain soir je vais au Sambodrome où ont lieu chaque week-end les répétitions du carnaval. J'ai la grande chance de tomber, par hasard, le jour où se produit Mangueira, la meilleure Ecole de Samba de Rio. Je rencontre Marco qui m'explique toutes les subtilités de cette institution. Certaines filles sont d'une beauté extraordinaire. Les Cariocas sont vraiment très avenants et l'échange se fait partout spontanément.




Le dernier soir, je vais voir le soleil tirer sa révérence sur Ipanema. Ici la plage est un véritable art de vivre, avec ses règles. Il y a les accessoires, surf ou ballon pour les hommes, paréo et lunettes de soleil pour les femmes. On ne se baigne que pour se rafraîchir. Le plaisir est d'être assis dans une chaise longue, sous un parasol, et de discuter entre amis face à la mer, en regardant les gens qui passent. Les Cariocas sont soucieux de leur apparence physique, en témoigne le nombre impressionnant de salles de sport que compte la ville, mais la façon de marcher est ce qu'il y a de plus important. Peu importe après si on est un peu gros, sans complexes, on aime se montrer, voir exhiber les derniers investissements qu'on a réalisé sur son corps. La grande tendance du moment pour les femmes est le port d'un appareil dentaire à l'âge adulte ! Il y a des priorités dans la vie et à Rio, c'est clair, la plage passe avant le travail. Le coucher du soleil sur Ipanema est un spectacle à part entière. L'astre rejoint l'horizon à l'endroit précis où la Pedra Dois Irmãos tombe dans les flots. A cet instant précis, tout le monde se lève et applaudit ! Véridique ! On remercie ainsi le spectacle de la nature, le soleil, la plage et la mer, ou leur si belle harmonie en ce lieu.


Je quitte Rio de Janeiro par la côte sud, en passant par Copacabana, Ipanema, Leblond, Conrado, et Barra, tous les quartiers les plus chics de la ville. Au bout de la plage de Conrado, se trouve un des sites de parapente de Rio. Je rencontre Flavio qui me décrit les meilleurs spots du coin. En l'air, le champion du monde de delta est en train de s'entraîner. Il me présente à ses amis dont certains sont base-jumpers. Avant de reprendre la route, j'assiste au saut de Rob, un canadien très expérimenté. Depuis la plage, je le vois s'élancer d'un promontoire rocheux de la Pedra da Gavea, tomber comme une pierre a 200 km/h, frôler la falaise avec sa combinaison en forme d'ailes de chauve-souris et ouvrir son parachute au dernier moment possible, juste au-dessus de la forêt, au point que nous le croyons un instant atterri dans les arbres. C'est la première fois que j'assiste à un saut de base-jump et c'est très impressionnant.



Rio n'est pas seulement une ville agréable, ici, on est proche de l'excellence. Au même titre que Rome, Paris, Barcelone ou New-York, c'est une capitale où je me verrai bien vivre. Je ne reste que trois jours à Rio car la ville est chère pour mon budget de baroudeur. Si j'étais resté une semaine entière, je crois bien que l'attachement eut été si fort que je n'en serai jamais reparti, arrêtant définitivement ici mon voyage. J'ai préféré donc me promettre de revenir quand j'aurai épuisé mon désir d'aventure.

mercredi 19 janvier 2011

Porto Seguro: terra de todos nós...


" Bahia terra de todos nós " est inscrit sur de grands panneaux publicitaires, en ce moment, partout dans la région. Il faut croire qu'on ait besoin de l'écrire pour s'en convaincre... Porto Seguro est la première ville fondée par les Portugais, près de l'endroit où a été decouvert le Brésil par Pedro Alvares Cabral le 22 avril 1500. S'en ait suivi, l'immigration portugaise puis européenne, la quasi disparition des Indiens, l'importation d'esclaves africains. " Terra de todos nós ? ", curieusement la région de Porto Seguro m'a offert l'occasion de vivre en quelques jours un condensé de la question.


A 20 kilomètres au nord de Porto Seguro, le Rio do Sul marque une frontière tangible entre deux mondes. En franchissant cette insignifiante rivière sur une ultime lancha, je quitte une côte sauvage de Bahia et me retrouve, à Santa Cruz Cabrália, soudain projeté dans une sorte de Côte d'Azur populaire. Après une semaine en pleine nature, je peine à me faufiler dans les embouteillages de bus à touristes suintants la crème solaire. La ville basse de Porto Seguro est un temple de la consommation d'objets inutiles et de mauvais goût. Le soir, des hordes de beaufs brésiliens, venues des quatres coins du pays, déambulent dans les rues. Comme partout au Brésil, les gens de la classe moyenne boivent des cannettes de bière qu'ils jettent ensuite par terre. Les plus pauvres se précipitent sur ces latas vides dont ils remplissent de grands sacs pour revendre ensuite l'aluminium au poids. Au Brésil, rien ne se perd, tout se transforme. Par cette grande procession, chacun effectue ainsi une sorte de pèlerinage rituel au centre fondateur de la nation.



Pour échapper à la populace, je gravis la colline où se trouve encore le premier village brésilien fondé par les Conquistadors. Devant la stelle originelle dressée par les Portugais, je pense avoir abouti une étape de mon voyage que je pourrai appeler : le chemin de la découverte du nouveau monde. Ironie de l'histoire, c'est dans ce village que je vois mes premiers vrais-faux indiens : des enfants déguisés qui tentent d'emplummer le touriste. Les vrais indiens locaux, les Tupiniquins, ont été décimés au cours du XVIème siècle. Sur le litoral bahianais, de la grande famille des Tupis-Guaranis, il ne reste que quelques descendants des irréductibles Pataxós encore établis un peu plus au sud.


Déçu par l'ambiance de Porto Seguro, je quitte la ville en traversant le rio Buranhém. Sur l'autre rive, la petite ville d'Arraial d"Ajuda n'a rien à voir. C'est tout de suite beaucoup plus chic, un peu le Saint-Trop' brésilien. Sur le bac je fais la connaissance de Junio, un jeune venu passer l'été ici pour gagner un peu d'argent avant de partir faire un voyage à vélo dans le Nordeste ! Actuellement il a investi dans un appareil de photo étanche et photographie les touristes sous l'eau, la tête au milieu de poissons multicolores, ce qui offre un résultat du meilleur effet. Junio m'offre un verre chez lui et il m'emmène à la plage découvrir la faune locale très bling-bling. C'est un vrai cliché de LA plage brésilienne comme on l'imagine en France : des tops models qui prennent la pose sur leurs chaises longues, vêtues de bikini, bracelets, boucles d'oreilles et indispensables lunettes de soleil de marque, des surfeurs body-buildés qui marchent les pieds dans l'eau en mattant les filles. Question sport: hobbit-cat, body-board, kites surf et autres baptèmes de parapente, sans oublier boire des bières et caïpirinhas à volonté. Junio me propose de rester chez lui le week-end pour faire la fête. Mais je ne suis pas trop attiré par cette ambiance superficielle et décide de continuer ma route pour trouver un endroit plus tranquille.


J'arrive au coucher du soleil à Trancoso. Le village n'est pas du tout tranquille mais plutôt fashion. Je vois un panneau indiquant la direction d'un camping. Je me dis: "Pourquoi pas finalement, au moins j'aurai des sanitaires." Je suis l'indication et descends un sentier menant à un petit vallon perdu, planté de bananiers bordant une étendue d'eau que traversent de petits ponts. Il s'échappe du lieu une musique électronique tout à fait inattendue en ces lieux. Apparement le patron du camping est DJ et exerce son art tous les soirs. Il fait du bon son, l'endroit est paradisiaque, la nuit tombe alors je pose rapidement ma tente parmis la dizaine d'autres déjà en place. Je vais ensuite faire connaissance avec mes voisins, avant de me rendre compte qu'ils sont tous sous drogues dures : qui en train de se faire une piqûre d'héro, qui en train de fumer du crack... Bon, il est trop tard pour trouver un autre lieu et je ne ressens aucun climat d'insécurité. Je me dis que je verrai bien ce que me réserve la providence et retourne diner en ville. Quand je reviens, vers 23h00, toute la bananeraie est éclairée en lumière noire qui se projete sur des totems psychadéliques accrochés dans les arbres. Le DJ est à fond et le rythme de sa musique répond à celui des crapeaux de la marre. Le résultat est complètement onirique et je me laisse vite aller à danser avec les autres campeurs qui ne sont pas encore tombés. Le lendemain, je fais la connaissance de certains, un peu moins défoncés au réveil. Il y a Crazy, qui a passé quelques années en France mais qui ne s'est jamais aclimaté à la froideur des Français. Il y a Maela, une jeune hollandaise en pleine descente, qui a mal aux dents à cause de la drogue. Je lui donne ma bouteille d'eau et lui découpe quelques fruits. Il est 7h00 du mat, les premiers pets' tournent déjà et je m'éclipse rapidement, toujours en quête de paradis moins artificiels.


Trancoso n'est pas encore le lieu correspondant à mes attentes et je continue à suivre le littoral plus au sud sur une piste particulièrement difficile. Le chemin est tellement pentu et escarpé que je suis obligé de pousser le vélo la moitié du temps, sur une distance de 40 kilomètres. Dans les descentes, c'est pire, je suis obligé de le freiner en permanence pour ne pas être entrainé dans le ravin par son poids. Je fais trois chutes de suite, heureusement je m'en sors avec seulement quelques égratignures. En contrepartie de mes efforts, je rentre dans le Parque Nacional Monte Pascoal et le paysage luxuriant est très beau. J'arrive finalement à un rio où des barques attendent le visiteur pour le mener sur la presqu'île de Caraiva. Dans ce village je retrouve l'ambiance de Mangue Seco : de petites maisons bordant des rues en sable fin, pas d'asphalte, pas de voiture, des enfants en liberté. Le village n'a pas d'éclairage publique et, le soir, seule la lumière à l'intérieur des maisons signale leur présence. C'est très tranquille, il n'y a rien à faire qu'à regarder la mer. C'est un vrai paradis pour les amoureux. Les anciens pêcheurs de Caraiva l'ont bien compris et beaucoup se sont reconvertis dans ce tourisme intimiste : pousadas en bambous, petits restos les pieds dans le sable, chandelles... le tout évidement vendu au prix fort. C'est très joli mais ce n'est pas encore l'ambiance que je recherche.


Je quitte Caraiva par la plage. Il n'y a pas de route pour se rendre à Ponta do Corumbau . Je me fais malheureusement surprendre par la marée montante et mon vélo, qui roule si bien sur l'estran, est incapable de se mouvoir dans le sable sec et meuble. Je me retrouve à pousser les 40 kilos de ma monture sur 20 kilomètres. Je mets quatre heures avant d'arriver sur les berges du dernier rio qui me sépare encore de Ponta do Corumbau. Là, un pêcheur me demande 20 reais pour traverser, soit dix à vingt fois plus que d'usage, alors que le rio est tout petit. Il est en position de force car il sait bien que je suis obligé de passer ici si je ne veux pas faire marche arrière. Je lui dis que c'est impossible, que je voyage à vélo, que je n'ai pas d'argent. Mais il ne veut rien entendre. Alors je reste là, un long moment, planté devant lui, assis sur mon vélo. Soudain il me dit : "C'est bon, monte, je t'enmène gratuitement". Je comprends alors en quoi consiste la force incroyable du temps. C'est ici le parfait exemple. Le temps est le plus grande énergie qui existe sur Terre. Le temps ne suit pas la même logique quantitative que la matière. Au contraire, plus on prend le temps de faire les choses, plus on a du temps devant soit. Et celui qui a des réserves de temps peut tout faire. Pour ma part, en voyageant à vélo, j'ai la chance d'être riche en temps !



A Ponta do Corumbau, je trouve enfin le coin sauvage du littoral bahianais que je cherchais. Ici, il n'y a pas de pousadas, il y a seulement une épicerie et un restaurant pour quelques vacanciers de passage. C'est le dernier village de la côte où il reste encore quelques indiens Pataxós. Les autres communautés indiennes que j'ai traversé sont situées un peu plus dans les terres.


A peine ai-je posé le pied hors de ma barque que je rencontre Rafaël, un jeune Ingénieur Agronome, de São Paulo, reconverti en artesão pour voyager.


Il a quitté São Paulo il y a quatre mois et vis ici depuis deux. Il souhaite bientôt poursuivre son voyage à vélo, vers le nord, décidément, encore un ! Rafaël me présente à tous ces amis: Rénato, le pêcheur qui a construit la case où il vit, Hobson avec qui il espère continuer son voyage, Imbay qui est très fier d'avoir sa photo dans un musée parisien en tant que représentant des Pataxós, Yohan un autre pêcheur indien, Honorato, le premier et sans doute dernier poète Pataxó qui conte, en vers, l'histoire du village. J'achète à ce dernier son livre pour que mon ami Stanko puisse me le traduire un jour. A l'histoire, j'ai simplement retenu que "Corumbau" signifie "Paradis loin de tout" en langue indienne.



Je rencontre également un couple d'estivants du Minas Gerais qui loue chaque année une bicoque ici pour être au calme. A peine les ai-je rencontré que Múcio et Cláudia m'invitent à partager leur repas. C'est comme ça ici, tout se fait simplement. Cláudia m'appelle "Djacky" et je trouve cela charmant dans sa bouche. Les Brésiliens n'arrivent pas à dire correctement mon nom. Ceux qui connaissent ce nom me disent, avec un petit sourire : "Ah, como Jacques Leclerc!". Depuis que j'ai compris, c'est moi qui leur dis : " Jacques como Jacques Leclerc " et qui les fait rire avec ca. Longtemps, j'ai opiné de la tête sans savoir qui était cette illustre personne. Un jour, face à une télé, c'est la révélation: il s'agit d'un personnage, on ne peut plus bouffon, de la Novela du moment. Je passe deux jours merveilleux dans ce bout du monde, invité à partager un moment la vie des uns et des autres. A marée basse, la pointe de Corumbau découvre un très long banc de sable qui se perd dans la mer, le soleil se couche les jeunes jouent au ballon sur la plage. Tout est paisible. Ici on essaie de continuer à vivre comme on a toujours vécu.



C'est difficile de ne pas rester plus longtemps en ce lieu mais une route encore longue m'attend et m'appelle. Pour rejoindre Itamaraju, je traverse le Parque Nacional do Monte Pascoal et le Parque Nacional do Descobrimento. La piste monte peu à peu à travers des côteaux plantés de caféiers derrière lesquels apparait l'impressionant Monte Pascoal. C'est la première montagne vue de la mer par les Portugais en 1500. Ces derniers jours de piste ont mis mon vélo à dure épreuve et je crève à nouveau. Je n'ai plus de quoi réparer et je suis obligé de regonfler dix fois avant d'arriver à Guaranis où je trouve de jeunes mécaniciens trop heureux de voir un si beau vélo.



Tout ceci me fait perdre beaucoup de temps et je me fais surprendre par la nuit. Je me perds et finis par décider de planter ma tente sur une parcelle herbeuse qui longe la route. Je n'ai pas d'autres choix car toute la campagne est occupée par d'immenses fazendas soigneusement entourées de barbelés. Il n'y a personne et j'ai seulement un peu peur de marcher sur un serpent avec mes tongs. J'en ai vu plein écrasés sur la route que les Brésiliens nomment tous sous le nom peu avenant de "cobra" ! Epuisé par les côtes de la journée, je m'endors rapidement. Mais deux heures après je suis réveilleé par un bruit de moteur et des phares puissants orientés sur ma tente. J'entends le véhicule se rapprocher et pense : "Mais il va pas m'écraser quand même, ce con!" . Je sors précipitament et me retrouve ébloui par un énorme Land-rover. Un homme me demande ce que je fais là. Je ne vois rien et lui fais signe de baisser ses phares. Il s'exécute et je me retrouve face à deux types qui me tiennent en joue, l'un avec un pistolet, l'autre avec un fusil à pompe ! Jusqu'ici, les Brésiliens m'avaient habitué à un autre accueil ! Je comprends tout de suite, à l'allure du petit bonhomme grassouillet, qu'il s'agit du Fazendeiro voisin et que le maigre doit être son homme de main, venus surveiller le précieux bien foncier. Beaucoup de gens sont "sans-terre" au Brésil et il arrive qu'il y ait des mouvements d'"insertion" de population là où il y a de la place disponible. Et ceci est la phobie des fermiers. J'explique à mon interlocuteur que je suis Français, que je voyage à vélo, que je me suis perdu et que je n'ai pas trouvé d'autre endroit pour la nuit. Je me demande de quoi il se mèle vu que je ne suis pas chez lui. Il me répond qu'il ne pourra dormir tranquille si je reste ici, que c'est très dangereux. Je pense : " Tu m'étonnes avec des gars de ton espèce qui dégaine leur arme à la moindre ocasion ! " mais je ne parle assez bien portugais pour lui dire ma façon de voir les choses et me contente de lui dire que s'il a autre chose de mieux à me proposer ce serait parfait. Les deux types remontent dans leur véhicule, discute un moment et me laisse à mon sort. Belle et nécessaire intervention ! C'est drôle quand je croise un pauvre, il me dit ici ce n'est pas dangereux, mais vient chez moi tu seras mieux et il m'offre à diner. C'est parfois à se demander s'il ne faudrait pas retirer un peu d'argent aux riches pour les rendre meilleurs ! Le lendemain matin, je quitte les lieux à l'aube pour ne pas me prendre du plombs dans les fesses. J'arrive tôt à la petite ville provinciale de Itamaraju où je souhaite prendre un bus pour Rio de Janeiro. Je suis épuisé physiquement, le vélo n'est pas en bon état, mes amis m'attendent depuis un mois à São Paulo, mon visa n'est pas éternel, le Brésil coûte cher, l'état suivant de Espirito Santo ne semble pas des plus intéressants... autant de raisons qui me poussent à mettre un petit coup d'accélerateur à mon voyage.



Je quitte Bahia avec pleins d'images en tête. J'ai croisé ici tellement de gens aux vies si différentes les uns des autres. Et ce Brésil, qui n'a que 500 ans, m'interroge, tant il est varié par sa population. Il y a ceux qui boivent des bières et ceux qui ramassent les cannettes vides. Il y a ceux qui rêvent d'un monde futur très "bling-bling", ceux qui se droguent pour ne pas voir le monde présent et ceux qui veulent croire que le monde passé existe encore. Il y a ceux à qui on a pris la terre, ceux à qui on en a jamais donné, qui ne possèdent rien ici bas et il y a ceux qui sont propriétaires de milliers d'hectares et qui n'hésitent pas à dégainer le fusil pour défendre ce qu'ils estiment être leurs biens personnels. Brasil... il y a effectivement une place et un rêve possible pour chacun sur cette terre brésilienne. "Terra de todos nós", certes, mais que chacun reste bien à sa place sur cette terre là, car il n'est pas question de partage equitable.


vendredi 14 janvier 2011

Bahia, de Salvador à Porto Seguro


Ne t'inquiète pas Pascal, je suis toujours en vie ! Je viens d'arriver ce soir à Porto Seguro. A Bahia, il n'y a pas eu d'inondations. Stanko avait raison, j'ai juste pris quelques coups de soleil. La pluie, depuis que je suis parti, je sais pas comment j'ai fait, mais je suis toujours passé entre les gouttes ! Elle m'est tombée dessus deux jours en six mois : le deuxième jour en Bretagne et juste avant d'arriver chez mes amis dans les Cévennes ! Je touche du bois pour que ça continue ainsi. Par contre, je passe souvent après l'orage, comme en témoigne la photo ci-dessous, et, sur les pistes bahianaises, avec mon chargement, c'est sportif !



Un peu moins sauvage que l'Alagoas ou le Sergipe, le litoral bahianais est toutefois très beau. Je trouve encore de grandes plages désertes et traverse une campagne verdoyante exploitée par de multiples fazendas. Le climat est plus humide qu'au nord de Salvador et la nature est luxuriante. La route est très agréable à pratiquer en vélo. Avec un trafic modéré, peu de bus et de camions, elle ressemble à une départementale française. Elle suit une alternance régulière, tous les cinquantes kilomètres environ, de passages plats le long d'une plage, suivis de véritables montagnes russes lorsqu'elle s'enfonce dans les terres. Là, c'est toujours un peu dur pour les mollets et pour le moral ! Après Salvador, première capitale du pays, j'arrive à Porto Seguro où le Brésil a été découvert par les Portugais. Entre les deux, c'est la Costa do Cacau dont la ville principale est Ilhéus, où naquit Jorge Amado. Dans cette partie de Bahia, je suis vraiment au coeur des origines du territoire brésilien. Arrivé à Canavieiras, je n'ai pas d'autre choix que de prendre à nouveau une barque motorisée, la dixième depuis Recife, pour me rendre à Belmonte. Mais cette fois, le spectacle est merveilleux. Je fais une trentaine de kilomètres dans un véritable labyrinthe de mangrove, entre les rios Pardo et Jequitinhonha. C'est un lieu intermédiaire entre le terrestre et le marin. On sent la vie se régénerer dans cet espace, sortir de la boue putride, comme au commencement du monde.




Le paysage bahianais est beau mais la logistique de mon voyage a des failles. Le matin de mon départ de Salvador, je m'occupe enfin de mon vélo. J'arrive finalement à réparer ma première roue et décide de partir avec, en prenant la seconde, achetée d'occasion, sur mon porte-baggages. Au bout de deux jours, la roue se bloque à nouveau. Je me décide donc à la remplacer par celle que j'ai acheté d'occasion même si elle ne roule pas bien. Elle est toute rouillée et c'est pas du roulement à bille Shimano. De plus, elle a moins de pignons et je me retrouve avec trois vitesses en moins. Mon beau vélo de randonneur est devenu un vieux char à boeufs et c'est très pénible dans les montées. J'ai maintenant trois roues mais je vais moins vite !



De plus, je suis pris dans les affres de l'administration brésilienne. Depuis que je suis arrivé au Brésil, j'ai des problèmes pour retirer de l'argent liquide, avec ma carte bleue, aux distributeurs automatiques de billets. Je charge ma mère de voir quel est le problème auprès de ma banque et, suite à une erreur, ma carte est tout simplement annulée. De son côté ma soeur doit m'envoyer un mandat bancaire mais il y a également une erreur et le transfert s'avère impossible. Evidemment tout ceci se passe vendredi dernier, les banques sont fermées le week-end et, pour ma part, je n'ai plus un seul Real en poche ! Je me retrouve ainsi, pendant 48 heures, à devoir aller mendier quelques mangues et bananes dans les jardins privés. C'est facile, presque toutes les maisons ont au moins un manguier, quelques bananiers et papayers. Mais à part ce genre de matières premières, le coût de la vie est très cher au Brésil. Les prix sont à peu près deux fois inférieurs à ceux de la France, mais quand on a un budget de baroudeur comme le mien, c'est tout simplement hors de prix ! Pour fuir l'onéreuse société brésilienne, je décide d'aller me réfugier sur une plage déserte, le temps d'obtenir mon mandat le lundi suivant. J'emprunte des pistes sauvages et je trouve un endroit où m'installer dans une cocoteraie. Les cocotiers ne sont pas trop hauts et, là au moins, je peux boire du jus de coco à volonté ! C'est un peu dur d'avancer rapidement dans ces conditions. Mais, cela dit, c'est une bonne expérience de la nécessité.



Intempéries au Brésil

Si quelqu'un a des news de Jacques, vous pouvez le signaler ci-dessous dans les commentaires. Merci d'avance.

lundi 3 janvier 2011

Salvador aux multiples visages



Salvador fut, avant Rio de Janeiro, la première capitale du Brésil. Elle est aujourd'hui la capitale de l'Etat de Bahia. Peuplée par une majorité de descendants d'esclaves, c'est la ville du Brésil où les rites et les traditions d'origines africaines sont les plus présents. Salvador fut qualifiée de "Rome Noire" mais aujourd'hui les anciennes églises catholiques du Pelourinho sont plus remplies de curieux que de fidèles. Elles n'ont plus que leur or pour témoigner de leur glorieux passé. Elles ont souvent été suplantées par toutes une gamme d'églises évangéliques, aux noms plus prometteurs qu'imaginatifs. Quant aux candomblés, certains sont maintenant organisés pour impressioner des touristes en quête d'émotions contre quelques reais. Tout se perd, sauf la musique et la capoeira, deux domaines d'expression toujours en pleine effervescence dans les rues du Pelourinho. Ce quartier historique, par sa topographie, son architecture et son ambiance, me rappelle un peu Olinda, en plus touristique et plus impersonnel. Je retrouve des maisons peintes de toutes les couleurs, des concerts, des fêtards, des artistes et des artesãos, des exhibitions de capoeira ou de break-dance. La vie se passe dans la rue et les cafés, espaces d'expression d'un théâtre au spectacle permanent.



Le jour déboulent des hordes de touristes qui sont le gibier quotidien attendu par des Bahiannaises au folklore de pacotille, des refourgueurs de bracelets de la Basilique do Senhor do Bonfim et autres prédateurs du genre. Autrefois les Bahiannaises qui portaient le costume traditionnel avaient le privilège de pouvoir vendre, où elles voulaient dans la rue, de délicieux beignets de crevettes. Aujourd'hui certaines continuent l'activité, mais beaucoup se vendent en photo ou servent d'hotesses d'accueil pour attirer le chalant dans des boutiques à l'art douteux. Tout ce manège a lieu sous une étroite surveillance policière, censée rassurer le visiteur inquiet de se trouver au coeur de ce pays si dangereux.





Après le coucher du soleil derrière l'Elevador Lacerda, une autre Salvador se réveille. La nuit est tombée sur la Baie de Tous les Saints et le Pelourinho change de visage. Les touristes les plus génants ont regagné leurs hotels ou leurs bus et ceux qui restent se dissolvent dans la population salvadorienne. A partir de 19H00, la ville est en fête. Chaque soir offre une occasion différente d'aller écouter quelques concerts, de suivre une batoucade, de danser dans les rues et de boire de la Skol, la fameuse bière brésiliene. Chaque mardi soir est particulièrement animé. Dans certaines rues, la foule est si dense que les gens sont collés les uns aux autres pour ne former qu'un seul corps vibrant à l'unisson. La population, à 90% noire, revêt des styles très hétéroclytes. Le point commun qui domine est peut-être une certaine beauté sensuelle des gens dans la rue. Salvador est sans doute une des villes du Brésil qui compte le plus grand nombre de belles filles. Dans la transe collective, il vaut mieux avoir les poches vides. Ici, c'est une règle en ville le soir. Pour ma part, je me suis fais piquer la seule chose que je portais sur moi : mon carnet de note ! Heureusement, il ne concernait que ces derniers jours de voyage, comme si Salvador ne voulait pas que je divulgue tous ses secrets.




Après minuit, la comédie prend des accents plus tragiques. La police va se coucher et une autre faune se lève. Les rues désertées deviennent les lieux de tous les trafics : drogue, prostitution, pédophilie, agressions... " Cuidado ! Perigoso ! " comme disent les Brésiliens, rentre vite chez toi honnête homme! En fait, à part certaines favélas peu fréquentables, le Brésil n'est pas dangereux. Mais les Brésiliens sont persuadés du contraire. Soumis quotidiennement à une télévison qui fait du sensationel bon marché, en passant en boucle des scènes de violence, les Brésiliens sont limites traumatisés. Ils ont maintenant pris l'habitude de se barricader chez eux ou de ne pas répondre si on leur adresse la parole le soir dans une rue sombre. Personnellement cela me fait plus penser à un atavisme social. La télé a remplacé le pilori. Autrefois on fouettait les esclaves sur la place publique pour donner l'exemple, maintenant on exhibe des crimes sur le petit écran. Maintenir un sentiment de peur et d'insécurité au sein d'une population a toujours été un moyen de l'asservir.
Malgré les sentiments ambivalents que j'éprouve sur Salvador, la ville a su me séduire assez pour que j'y reste une semaine. J'ai mon vélo à réparer, j'ai besoin de repos, je veux finir de réaliser ce blog et je suis sans doute heureux de retrouver un peu d'urbanité. En laissant mon vélo dans ma chambre d'hôtel, je redeviens un touriste lambda. Je suis content de retrouver un peu d'anonymat, même si je ne peux empêcher quelques voisins de faire irruption dans ma chambre pour me prendre en photo. Apparement un cyclo-randonneur s'est récemment fait médiatiser et tous ceux qui l'ont vu à la télé me prennent pour une star qu'ils veulent photographier. " Vu à la télé ! ", au Brésil, c'est LA référence suprême.



Quand je passe une semaine au même endroit, je m'intègre finalement assez vite à la vie de la cité et c'est vraiment une sensation agréable. Je repère le rythme ambiant et je l'intègre peu à peu. Les racoleurs de tous poils m'ont repéré et ne m'importunent plus. Dans le Pelourinho, j'ai trouvé une petite pension dirigée, de main de maître, par un papi au fort caractère et à l'oeil taquin. Je suis connu de tous ses employés et je me sens presque en famille. Chaque matin, je pars travailler. C'est à dire que je vais passer la journée dans un cyber-café pour rédiger l'historique de mon voyage, qui constitue, peu à peu, ce blog. Ce travail marque un moment particulier depuis que je suis parti. C'est une tache un peu paradoxale de se souvenir d'une partie passée, en étant encore dans le présent de l'aventure. Pour partager ce que je vis, j'arrête un instant de vivre le voyage. D'une certaine façon, je prends une distance nécessaire par rapport à ce que je vis, pour l'intégrer et le comprendre. D'un autre côté, je cesse un moment le voyage et je ne suis plus porté par l'énergie qu'il procure. Pour décompresser un peu de l'écran, le soir, je sors écouter quelques concerts. Je rencontre beaucoup de Français qui aadooorent cette ville. Je croise aussi quelques Argentins qui me donnent une image bien sympatique de leur pays qu'il me tarde de découvrir. Et pour la première fois, les Brésiliens que je rencontre ne me prennent plus pour un Hollandais, mais me demande si je suis Argentin, ce qui me fait bien plaisir !




Concernant mon vélo, c'est une vraie galère. Trouver une boutique cycliste dans cette ville est plus difficile que dans tous les petits bleds que j'ai traversé jusqu'à maintenant. Les collines de Salvador doivent dissuader les gens de faire du vélo. Après examen, je me rends à l'évidence : je dois changer de roue. Apparemment celle que j'ai a un défaut de fabrication. Une nouvelle sera achetée par ma mère et me sera ensuite acheminée à São Paulo par Fanny, une amie de Pauline et Jean-Baptiste, chez qui je suis attendu. En attendant il me faut trouver une roue, pas cher ou d'occasion. De faux renseignements, en informations erronées, je me retrouve à faire le tour de toute la mégapole, traversant dans des bus roulant à toute berzingue les faubourgs tentaculaires de Salvador, franchissant à pied des passerelles fourmilièsques au dessus de noeuds routiers futuristes, me perdant dans des Shopping Centers frigorifiés et grands comme des villes. Loin du Pelourinho, je vois la vraie vie des gens, un autre visage de Salvador, loin des clichés. Richesse et pauvreté se croisent sans complexe, portés par une même énergie, cette force de vie incroyable qui anime ce pays juvénil. Illusion ou réalité, ici, chacun a l'espoir que tout est possible. Quand on voyage, on est plus en train de consommer des vacances. On gère un quotidien de vie, avec parfois ses difficultés. On est forcément souvent hors des sentiers battus et c'est également l'intérêt de ce genre de voyage, découvrir les pays autrement.


Comme toujours, chaque jour, je me dis que je pars demain, avant de trouver une bonne raison de rester un jour de plus. Mais cette fois-ci, pour sûr, je reprends la route demain...