Description

Mais aussi avec bien d'autres moyens de transport parfois des plus surprenants... Le 1er juillet 2010, je pars de Bretagne à vélo. Arrivé au Maroc, je traverse l'océan Atlantique en voilier-stop. Je passe ensuite un an et demi en Amérique du sud. Puis d'avril 2012 à septembre 2013, je traverse l'océan Pacifique en voilier. Enfin, en mars 2014, je reprends le vélo pour rentrer en France depuis Bangkok, en suivant la route de la soie à travers la Chine et l'Asie Centrale...

dimanche 27 février 2011

Missiones : Argentine et Paraguay





Je découvre les cultures de la plante nationale de mon pays : le maté !




( la même photo avec Pascal en tenue d'Adam ne sera montrée qu'à un public averti)








Pascal et moi reprenons la route du sud sur nos petits vélos. Dans les Missiones, les deux premiers jours sont idylliques. Il fait beau et la route est d'excellente qualité avec une magnifique bande d'arrêt d'urgence qui nous sert de piste cyclable. Soudain je m'arrête. Mon compteur kilomètrique m'indique que je viens de franchir la barre symbolique de 5000 kms depuis mon départ de Bretagne. Ça mérite la photo, non ?
















Au premier abord, l'Argentine nous semble incroyablement plus moderne que le Brésil. Mais ce sentiment ne va pas durer bien longtemps. Plus on s'enfonce dans cette région guarani, plus la nature reprend ses droits et la chaussée se délabre. La route se vallonne aussi de plus en plus pour ne devenir que suites de petites montées coriaces et de descentes toujours trop courtes. De plus, c'est le début de la saison de pluies et on se prend la sauce un jour sur deux. Cela dit, on a souvent la chance qu'il pleuve la nuit et on arrive généralement à passer entre les gouttes. Il doit faire 25 degrés mais, en arrivant du Brésil, je trouve qu'il ne fait pas si chaud en journée et les nuits me paraissent mêmes fraîches. Enfin, pour finir le tableau, j'enchaine les crevaisons, jusqu'à trois le même jour ! Les camions perdent des sortes d'agrafes de leurs roues qui se prennent dans les nôtres. Heureusement, Pascal reste toujours joyeux et, contrairement à moi, il est très bon mécanicien. Un jour, il perd cependant son sang froid. Un bus manque de justesse de l'emboutir. Je l'entends vociférer et jeter l'opprobe sur tous les chauffeurs de bus de la Création. Il faut dire qu'en Argentine, chauffeur de bus est statut de haute importance, presque une consécration. En costume avec épaulettes galonées, les conducteurs ressemblent à des pilotes d'avion. Ils sont seuls maîtres à bord. C'est peut-être pour ça qu'ils se prennent pour les rois de la route et qu'ils conduisent comme des malades, pensant croire que la protection du Gauchito Gil (un des Santos argentins en photo ci-dessous) suffira à les mener à bon port.












A l'origine, la région des Missiones a été colonisée par les Jésuites. Ces derniers, après avoir converti les Indiens Guaranis qui vivaient là, ont cherché à fonder avec eux une société idéale, composée de communautées autogérées, une espèce de "communisme chrétien" avant l'heure. Cette société égalitaire était organisée au sein de grands ensembles architecturaux, dont il reste aujourd'hui des ruines. L'utopie n'a pas survécue aux prétentions des couronnes portugaises et espagnoles. Cependant cette organisation a eu le mérite de protéger un peu les Indiens de cette région de l'extermination qui a eu lieu dans une grande partie du pays. Aujourd'hui, les Missiones sont argentines mais, avant tout, la population est Guarani. C'est une région où, ces cinquante dernières années, la forêt primaire a été fortement détruite pour être remplacée par des exploitations forestières et des cultures de maté. Il y a également beaucoup de mines, en particulier d'améthystes. C'est par cette région particulière que je découvre mon pays de naissance.
















De prime abord, je suis un peu déçu. Je me faisais une telle fête d'arriver en Argentine, de découvrir le pays dont j'ai la nationalité, et voilà que je trouve une région pauvre, à la terre rouge, qui salit tout se qu'elle touche, et des gens qui me semblent moins joyeux qu'au Brésil, sans parler de la nourriture, qui n'est pas très variée dans le coin. De plus, l'histoire du pays n'est pas évidente, entre génocide des Indiens, régimes politiques incertains et crises économiques à répétition. Tout cela me rend un peu triste. Soudain je réalise que je suis en train de faire un Brésil-blues ! Mais, les jours passant, je commence à trouver les gens attachants de gentillesse et délicatesse. Et puis, les prix sont deux fois moins chers qu'au Brésil, ce qui n'est pas désagréable. Quant aux camions des années 50 qui pullulent sur les routes, ils sont magnifiques ! Sans parler des voitures des années 70, tout aussi nombreuses. Enfin, la visite des Missions est vraiment passionante. Alors, peu à peu, je tombe sous le charme surannée de cette région. Pascal, lui, est toujours heureux et ne voit que le positif des choses : " On est en Argentine ! Tu te rends compte ! On est en Argentine ! " ne cesse-t-il de répéter à longueur de journée. En arrivant à la ville de Posadas, capitale de la région des Missiones, Pascal et moi quittons la forêt sub-tropicale dans laquelle nous sommes rentrés une centaine de kilomètres avant Iguazu. Carte en main, nous réalisons que nous en avons traversé un bon morceau, de part en part. D'un coup, le climat change, il ne pleut plus, l'humidité fait place à la sècheresse. A partir de Posadas, nous partons faire une petite virée d'une journée au Paraguay pour visiter Trinidad, les ruines de la plus belle des Missions Jésuites du coin, un îlot architectural au milieu d'une mer de végétation, un délice de tranquilité. De retour à Posadas, nous rencontrons plusieurs voyageurs dont Claire, Jean-Noël et Anaëlle, une jeune Française de 22 ans, qui a voyagé six mois en Amérique du Sud et qui nous brieffe bien sur les toutes les choses à faire en Patagonie.




















En décidant d'écrire ce blog, j'ai souhaité partager mon voyage avec les autres. A l'origine, ma motivation était certainement liée à la peur que mes amis ne finissent par totalement m'oublier. Puis, je me suis prêté au jeu de cet exercice. Et j'ai reçu beaucoup de retours positifs, même de la part de gens que je ne connaissais pas ou peu. Le partage a pris une autre tournure. Je me suis rendu compte que mes courts récits pouvaient être des petites fenêtres ouvertes sur le monde pour ceux qui ne voyagent pas. Pour certains, c'est une respiration, une évasion, un rêve, pour d'autres, une espérance, un soutien dans l'épreuve. J'en suis évidement très heureux. Mais dans ce partage là, c'est moi qui donne ce que je souhaite partager avec l'autre. Il y a une différence entre " le partage " et " la mise en commun ". En voyageant avec Pascal, le mot prend un autre sens. Il s'agit de faire véritablement une place à l'autre dans mon voyage, qui devient, pour un temps, le notre. Au départ Pascal et moi ne nous connaissons pas si bien que cela et c'est une belle expérience à vivre. Le partage devient vraiment concret pour chacun d'entre nous. Et pour l'instant, c'est une expérience agréable, un partage enrichissant et plaisant. Chacun de nous est assez souple de caractère pour ne pas s'imposer à l'autre. Et aussi, on se paie de bonnes tranches de rigolade, comme ce matin là dans la chambre de notre charmante auberge de Posadas ! Alors que m'interroge sur la signification du mot " partage ", Pascal, lui, ne se pose pas tant de questions. Il prend son pied dans la piscine de cette même auberge, espérant, plus concrètement, partager un bain avec une charmante naïade !




samedi 19 février 2011

Iguaçu et la forêt sub-tropicale

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Presque à l'improviste, mon ami Pascal-Archi arrive de France avec son vélo ! Il s'est décidé deux semaines plus tôt à venir me rejoindre pour que nous faissions un bout de route ensemble. Le 11 février, il me retrouve chez Pauline et Jean-Baptiste pour passer avec moi une période de sept semaines. Le lendemain, nous prenons la direction de Buenos-Aires, via les Chutes d'Iguaçu. Pour éviter la sortie galère de Sao-Paulo et pouvoir honorer un autre rendez-vous fixé avec l'ami Jérôme, le 4 mars à Buenos-Aires, nous prenons d'abord un bus jusque dans l'état du Parana.



Les trois premiers jours à vélo sont difficiles pour Pascal qui a perdu ses acquis de grand cyclo-randonneur. Mais cela revient vite et c'est bientôt moi qui ai du mal à le suivre. Nous sommes sur la roda de la muerte, comme on l'appelle ici, tant les accidents sont nombreux. Mais, arrivés à l'abord du Parque Nacional do Iguaçu, nous quittons cette route principale et décidons d'emprunter de petits chemins "champêtres", c'est à dire des pistes caillouteuses, d'une terre rouge qui colore tout ce qu'elle touche. Nous nous y lançons gaiement à pleine vitesse bien que ce soit un peu la saison des pluies et que des ponts aient été emportés par les crues. Du coup, entre deux averses, nous nous perdons complètement. Pendant deux jours, dans la forêt subtropicale bordant le Parc, nous servons alors de festin à tous les insectes de la création. Pascal reste malgré tout, selon sa nature, très enthousiaste, heureux de retrouver le plaisir du camping sauvage. Il retrouve vite ses réflexes d'ancien Chasseur Alpin et me dit souvent : " Moi, j'aime bien en baver un peu, ça déchire tout, chatoye sa race! "






Les paysages sont superbes et la population locale, heureusement très accueillante, palie nos manques d'intendance. Un professeur d'Histoire, Iédo, nous fait visiter sa ferme biologique où il commence à arriver à vivre en autarcie avec sa famille. Il nous fait goûter à toute sa production et nous offre un grand pot de miel pour la route. Pour ses premiers jours de voyage ou on est parfois à court de clopes, je fais vivre à Pascal son premier "mad-borrow-night-trophée" !





Bien que très touristiques, les Chutes d'Iguaçu valent vraiment le détour. Ce sont certainement les plus belles du monde ! La nature offre ici un spectacle d'une beauté exceptionnelle ! Le site est tellement grand qu'on ne ressent pas trop l'énorme affluence de visiteurs. Nous passons deux jours à visiter les lieux, de part et d'autre de la frontière argentino-brésilienne. Nous avons de la chance, le soleil brille à nouveau et les couleurs sont magnifiques.









Quitte à faire les touristes, coté brésilien, on se lache à fond sur les activités proposées. Nous prenons d'abord l'option "Descente en Rafting" pour être au plus prêt de l'action ! Moralité on est les seuls inscrits et le moniteur pimente les choses en nous offrant un tour de hors-bord jusque sous les chutes, puis une baignade au beau milieu de l'immense et tumultueuse rivière Iguaçu, devant le regard ahuri de touristes japonais. "It's cleaning your soul" nous dit-il en nous redéposant trempés sur la rive. Ensuite on s'offre une descente, en rappel sur corde, des 60 mètres de falaises qui font faces aux chutes. Bref, on craque un peu le budget mais on se fait bien plaisir ! Que du bonheur, si on fait abstraction des douloureux coups de soleil que prend Pascal.



Le lendemain nous traversons l'Iguazu et, par la même, passons la frontière. Tchau Brasil ! Buenos dias Argentine ! Emotion. Je retrouve pour la première fois le pays qui m'a vu naître ! Ces jours-ci, nous dormons en Auberges de Jeunesses et c'est amusant de rencontrer tous les jeunes globe-trotters de la terre qui racontent leurs aventures sud-américaines, le soir au bord de la piscine. Du côté argentin, les Chutes d' "Iguazu" sont très différentes mais tout aussi belles. Pascal, comme à son habitude, prend son temps pour faire des photos... et je finis par le perdre. Dans une partie très sauvage du Parc, je me baigne dans une cascade puis rencontre mes premiers compatriotes argentins, Paula et Joaquim, un jeune couple de medecins de Buenos-Aires, très sympas, qui m'offre un désaltérant Mate glacé.




samedi 12 février 2011

Sao Paulo, such a business city !

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En arrivant à São-Paulo, je traverse toute la ville en vélo pour me rendre chez mes amis Pauline et Jean-Baptiste. Mon premier sentiment est de me trouver en terre occidentale. D'abord, j'ai froid. Il fait seulement 30 degrés au lieu des 45 que j'avais la veille. Et dans la rue, je ne vois presque aucune personne de couleur. Sur les immenses avenidas à huit voies, le traffic est intense. C'est sportif de s'inserrer dans la circulation. Je demande plusieurs fois mon chemin et, de prime abord, les habitants de cette mégalopole me semblent bien moins sympathiques que sur la côte. São-Paulo a quelque chose d'effrayant. Ce n'est pas une ville à échelle humaine. Ici la vie ne se passe pas dans la rue mais plutôt en intérieur. Ça tombe bien, je découvre bientôt la maison de mes amis, spacieuse et très agréable.






Pauline et Jean-Baptiste me reçoivent comme un roi. Je suis tellement bien chez eux que, les premiers jours, je ne quitte pas la maison ! C'est paradoxalement dans la ville la plus tumultueuse d'Amérique du Sud que je trouve le meilleur havre de paix qui soit, nécessaire à mon repos. Je partage quelques jours la vie familliale de mes amis, rencontrant pour la première fois leurs enfants, Adrienne et Augustin, ainsi que leur charmante baba Clarisse. Je profite avec les enfants de leurs derniers jours de grandes vacances scolaires. Je fais des dessins avec Adrienne, du tennis avec Augustin. J'assiste ensuite à leurs rentrées des classes dans leur nouvelle école. C'est un grand moment aux âges qu'ils ont et Pauline est encore plus troublée que ses enfants.



Jean-Baptiste est un important directeur d'une grande société de luxe et il semble ne jamais s'arrêter de travailler et d'être toujours en déplacement. Pauline, en plus des études qu'elle a reprises, assure toute la logistique domestique. Comparé à ma vie, leurs emplois du temps me semblent hallucinants. En dehors de heures de travail, le couple n'arrête jamais d'être occuper, déjeuners, diners, sport, sorties, week-ends... Les rares soirs où ils ne reçoivent pas chez eux, ils sont invités à l'extérieur. Pauline m'assure : "c'est spécial en ce moment". Je reste septique. L'avantage pour moi est que, sans quitter leur maison, je suis amené à rencontrer tout un tas de business-men influents, généralement accompagnés de leurs épouses, souvent au foyer. C'est passionant de voir ces vies si différentes de la mienne, d'essayer de comprendre ce qui peut motiver ces gens à avancer dans leurs projets. Les soirs où il ne se passe rien à la maison, mes amis m'enmènent avec eux dans leurs sorties. Un soir, nous dinons dans un restaurant avec un couple d'amis brésiliens, un autre, nous allons danser dans un bar loué par quelqun qui fête son anniversaire. Nous allons aussi diner chez Alex et Yann, un couple d'expat' qui habite un tri-pleix au dernier étage d'une tour d'où on peut comtempler toute la ville de haut. Manu Chao est de passage à Sao-Paulo ? Nous prenons illico des places pour aller le voir en concert ! Et pour me montrer toute la diversité de la vie nocturne locale, Jean-Baptiste m'enmènne aussi au Love-Story, le club le plus underground de la ville, qui offre un panel mémorable d'excentriques en tous genres.





Je reste dix jours chez mes amis et, malgré ce planing chargé, nous trouvons aussi le temps de nous retrouver pour avoir de longues conversations plus profondes. Je connais Jean-Baptiste depuis presque vingt ans, Pauline depuis qu'ils sont ensemble, et les choses sont simples entre nous. Nous nous retrouvons facilement pour nous confier intimement comme si nous nous étions quittés la veille. Aujourd'hui nos vies sont très différentes mais cela constitue une force qui nourrit notre relation. C'est sans doute cela, l'essence de la véritable amitié. Arrivé le moment des au-revoirs, il est difficile de nous quitter.


Avoir des amis différents de soi nécessite une acceptation de l'altérité. Je comprends que c'est aussi cela avancer vers la tolérance. Cela me questionne aussi. Je m'interroge sur les ressorts qui font le positionnement d'un individu au sein du groupe. Comme le dit Bourdieu (et me répète souvent mon ami Julien M.), nous sommes socialement prédestinés. Mais quelle part est laissée à l'individu ? Où se situe le libre arbitre? Je comprends aussi que quelque soit le niveau social des gens, on est tous face des épreuves de vie individuelles et que chacun a ses propres défits. Si la vie matérielle est clairement plus facile pour certains, cela n'a rien à voir avec le bonheur ou le malheur. Mais ces états dépendent uniquement de la capacité d'un individu, à un moment précis, d'apréhender une situation. Alors, à quel niveau se situe la nécessité ?





Après quelques jours de clostration dans ce petit paradis urbain, je me décide à aller faire un tour dehors, à pied, comme tout bon Parisien qui se respecte ! La ville de São-Paulo a une architectrure débridée. Il semble n'y avoir aucune règle d'urbanisme, ni aucune notion de biens publics au sens où on l'entend en France. L'intérêt général est la résultante d'un aglomérat d'intérêts individuels. Ici, le libéralisme économique est roi et cette ville m'apparait comme une sorte de New-York raté, une juxtaposition de building, sans l'âme collective qui anime Big-Apple. Résultat : une qualité de vie médiocre pour la plupart de habitants mais c'est aussi le lieu idéal pour les hommes d'affaire en quête d'inovations et qui ont les moyens de s'assurer une vie protégée. Sao-Paulo est une ville de séparation, de mise à part des individus. Ici, le racisme existe. Jean-Baptiste me raconte plusieurs histoires de discrimination à l'embauche du fait de la couleur de peau. Il y a aussi beaucoup d'insécurité. Le danger est ici une réalité. Il est arrivé quelque chose à presque tous les gens que j'ai rencontré. Et les expériences vécues, qu'on m'a raconté, vont du simple braquage à, carrément, la séquestration d'une famille entière pendant plusieurs jours ! Difficile Sao-Paulo. Mais cette ville internationale, est-ce encore vraiment le Brésil ?




Je suis presque au terme de mon séjour dans ce merveilleux pays et, si je devais qualifier le Brésil en deux mots, je dirais : juvénil et sensuel. Que ce soit dans l'expression de la joie, de l'alégria comme on dit ici ; on se réjouit sans cesse, on fait de la musique, on danse, on joue, on rit, on s'embrasse, on se touche, on s'enlace, comme le font naturellement les enfants, sans arrières pensées ; on vit l'instant présent, on goûte aux joies simples qu'offrent les sens, le gout d'un fruit, une harmonie de couleur. Que ce soit au travers de la peur, périguso, périguso, les Brésiliens n'ont que ce mot à la bouche ; on a peur de tout, de l'hypothétique méchant, de la nuit, du loup, d'être seul quelque part, c'est presque une peur enfantine parfois. Que ce soit dans l'expression de la foie, on est prêt à croire à tout et à n'importe quoi, du moment que c'est beau ; naïvement, on aime à croire que la fable est vraie, et surtout on aime rêver. Comment ne pas être séduit, comment ne pas sucomber au charme de ce pays-continent ? C'est avec une grande tristesse que je vais bientôt devoir le quitter pour continuer mon chemin.




Avant que je reprenne la route, Jean-Baptiste porte mon vélo chez un très bon réparateur, conseillé par son ami Luis. Ma mère m'a fait parvenir, depuis la France, une nouvelle roue arrière, transportée par Fanny, une amie de Pauline. Mon vélo est remis à neuf et j'ai les larmes aux yeux de voir toutes ces personnes qui me soutiennent à leur façon de mon aventure. Et j'ai envie, ici, de remercier particulièrement ma mère, ma soeur et mon ami Max qui assurent souvent pour moi un arrière poste logistique en France. Sans eux, mon voyage serait plus difficile.



mardi 1 février 2011

Costa Verde en plein été

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Je quitte mes amis parapentistes cariocas un peu tard et, une fois de plus, me laisse surprendre par la nuit au moment où j'affronte les premières montagnes de la Costa Verde. Un automobiliste s'arrête à ma hauteur : " Tu vas où comme ça ? Tu cherches un endroit pour dormir ? Viens chez moi si tu veux. " Il s'appelle Fabio et habite à Guaratiba . Il possède une très belle maison qu'il a construit lui même sur les pentes ardues du morro qui domine la baie de Sepetiba. Il habite là avec sa copine et son jeune frère. La vue est superbe. La côte est ici orientée à l'ouest, ce qui offre de magnifiques couchers de soleil dans la mer, spectacle rare au Brésil. Fabio me fait également visiter son autre maison, encore plus belle. Elle est construite de l'autre côté de la montagne et fait aussi face à la mer, mais côté soleil levant. La vue de la terrasse est tout aussi extraordinaire. Fabio a pu la construire avant que l'ensemble de la montagne ne soit classé en zone naturelle. Il a plusieurs hectares et c'est la seule construction à des kilomètres à la ronde. Autour de la maison, Fabio a réalisé un jardin très naturel, qui constitue un petit écrin fleuri en parfaite harmonie avec la flore environnante. J'ai encore découvert un petit paradis brésilien ! Je m'endors en me disant que ma bonne étoile ne m'a pas quitté et, dans le hamac de la terrasse, je la cherche dans l'immensité du ciel.



Fabio porte un nom de famille on ne peut plus français, dont la consonance laisse à penser que ses ancêtres viennent de Normandie. Il a mon âge et, une fois encore, est un amateur de vélo. Il compte bientôt voyager comme moi. Pour l'instant il fait du VTT. Il me montre des films où il dévale les pentes des morros à toute allure. Il fait aussi beaucoup de surf et du parapente. Tous ces points communs nous rapproche et Fabio me propose de rester quelques jours chez lui. Il est d'une générosité rarissime et se met en quatre pour me faire plaisir. Il était pompier jusqu'à ce qu'un accident de voiture ne mette fin à sa carrière. Aujourd'hui, il tient un petit bar sur une des premières plages non urbanisées à une cinquantaine de kilomètres au sud de Rio. Le lendemain matin, je pars donc avec lui au boulot. Cela consiste à servir une bière aux trois clients de la journée, mais surtout à regarder la mer en discutant avec les potes surfeurs. La plupart sont d'anciens collègues bombeiros de plage et le bar est leur QG. Dans cette version brésilienne d'Alerte à Malibu, les pompiers-sauveteurs sont plus nombreux que les baigneurs ! Trop dur la vie de Fabio, surtout quand on voit ses bureaux en photo ci-dessous.




Après deux jours passés chez Fabio, je reprends le vélo et longe la Costa Verde. Je suis maintenant en plein été austral. Il fait 45 degrés et ça monte ou ça descend mais la route n'est jamais plate. Il n'y a pas un souffle d'air et je souffre comme jamais depuis le début de mon voyage. Les paysages sont magnifiques. Cette région vallonnée est l'une des rares au Brésil où la Mata Atlantica a été préservée sur plusieurs kilomètres à l'intérieur des terres. Le vert végétal rejoint le turquoise d'une eau cristalline parsemée d'îles. Mais il faut croire que la beauté se mérite car chaque point de vue est un combat. Dans chaque montée, je me dis que c'est sans doute le prix du paradis et je compte les minutes qui me séparent de la future descente. Je ne peux être que totalement dans l'instant présent sans quoi c'est trop difficile. Le passé n'a jamais existé, il n'y a pas de futur, chaque montée est toujours la première de ma vie et certainement la dernière, courage !



Au bout de trois jours de souffrance - et de joie - j'arrive à Paraty, une petite ville miraculeusement restée intacte depuis l'époque où convoyeurs d'or et pirates se partageaient la baie. La ville a été très bien restaurée, trop bien sans doute. C'est devenu un vrai musée en plein air qui ne vit que du tourisme. C'est très beau, c'est très cher et la ville a perdue son âme, dans le centre historique en tous cas. Un peu plus au sud, le vrai Paraty d'aujourd'hui existe. C'est un petit quartier calme, sans aucun touriste, comme il y en a tant au Brésil, au bord d'une rivière où se déversent les égouts, avec ce charme qu'on trouve aux constructions hétéroclites et quelconques mais habitées, aux murs délabrés dont les fissures racontent une histoire, aux véritables ambiances des petits bars à quatre sous.




Avant de quitter les environs, je pars faire un tour, sans bagages, dans le Parc Nacional da Serra da Bocaina. Je me retrouve en montagne, entouré de paysages qui font penser à la Suisse si on fait abstraction de la chaleur et de la flore tropicale. Il y a plein de rivières et de cascades où les gens viennent se rafraîchir aux heures les plus chaudes de la journée. Ce sont de véritables spas naturels, fruits du travail de l'érosion, qui offrent autant d'activités ludiques qu'un parc d'attraction : bassins, toboggans, jets d'eau, bains de bulles, petites grottes... Des personnes de tous les âges s'y amusent avec le même enthousiasme juvénile.



Une trentaine de kilomètres au sud de Paraty, je m'arrête à Picinguaba, où mon ami Jean-Baptiste m'a donné les coordonnées d'Emmanuel qui possède un hôtel sur place et pourrait m'héberger. Je ne m'attends à rien de particulier et suis bien surpris en découvrant la Villa de Picinguaba. Il s'agit en fait d'un hôtel à la fois très luxueux et très discret, perdu dans la végétation, avec une vue imprenable sur la baie de Itamambuca. On n'y accède à pied par un petit sentier pavé au bout de la plage quasi déserte de Picinguaba. L'hôtel n'a pas d'enseigne, il est accessible uniquement sur réservation et s'adresse à une clientèle très privilégiée. Emmanuel n'est pas là en ce moment mais son staff me fait bon accueil et me dit de m'installer dans un bâtiment en cours de rénovation, voisin de l'hôtel. Une fois de plus, le lieu est incroyable. J'ai à ma disposition une maison pour moi tout seul dans un cadre idyllique.



La maison voisine est occupée par un couple d'Américains de San Francisco qui travaille pour Emmanuel. Suzanna est architecte et s'occupe du design d'un nouveau projet d'hôtel près de São Paulo. Elle est avec son mari Jeff et une amie de passage, Candice. Le couple est très sympa et me propose spontanément d'aller dîner avec eux des saucisses dans un petit boui-boui près d'une cascade. Le soir nous retournons au village boire des caipirinhas et des bières avec les pêcheurs du coin. Malheureusement notre rencontre est trop éphémère car les trois Américains repartent le lendemain à São Paulo. Ils pensent passer à Buenos Aires en mars et nous nous promettons de nous y retrouver.



Le lendemain j'ai rendez-vous avec Miro, un type adorable qui fait partie du staff de l'hôtel. C'est son jour de congés et il me propose qu'on passe la journée ensemble. Il m'invite a déjeuner chez lui, puis nous allons sur un bateau de pêche, aider Leodinho, à trier son filet de trois kilomètres de long.


Le jour suivant, à l'aurore, Miro m'emmène avec lui à la pèche aux calamars. Au début je suis un peu sceptique sur mes compétences en la matière mais ça marche superbement bien et nous attrapons une trentaine de calamars en seulement deux heures ! Miro nous les prépare, inaugurant ainsi la cuisine de sa nouvelle maison.




Dans l'après-midi, je reprends la route en direction de Ubatuba, à une quarantaine de kilomètres, où je compte dormir le soir même. De là, je veux prendre un bus jusqu'à São Paulo où m'attendent un couple d'amis chez qui je devais originellement passer Noël ! Avant de partir, je me baigne dans l'océan, en me disant que c'est sans doute la dernière fois que je vois l'Atlantique avant d'être en Argentine. Demain, je vais commencer à rentrer dans les terres. Je quitterai également les tropiques, en traversant, pour la seconde fois de mon existence, le Tropique du Capricorne.