Description

Mais aussi avec bien d'autres moyens de transport parfois des plus surprenants... Le 1er juillet 2010, je pars de Bretagne à vélo. Arrivé au Maroc, je traverse l'océan Atlantique en voilier-stop. Je passe ensuite un an et demi en Amérique du sud. Puis d'avril 2012 à septembre 2013, je traverse l'océan Pacifique en voilier. Enfin, en mars 2014, je reprends le vélo pour rentrer en France depuis Bangkok, en suivant la route de la soie à travers la Chine et l'Asie Centrale...

samedi 30 juillet 2011

El Choro-Trek




Après deux semaines passées à La Paz, Anna, Lena, Tomas et moi nous décidons finalement à partir faire une randonnée de quatre jours : el Choro-Trek. Un peu avant notre départ, Eva et Ian, un couple d'Espagnols, que j'ai rencontré à San Pedro d'Atacama (au Chili), arrivent à la Paz. Ian se joint à nous, laissant Eva, qui n'aime pas trop randonner, se reposer à l'hotel. Eva et Ian vivent en France et sont quadrilingues, Espagnol, Anglais, Français et Italien. Anna aussi parlent courament cinq langues : Italien, Anglais, Japonais, Espagnol et Allemand. Lena et Tomas parlent le Flamant, l'Anglais et l'Espagnol. Face à eux, en bon Français, je me sens un peu à la traine question linguistique ! Mais comme toujours, nous jonglons entre les idiomes. Pour ma part, à passer d'une langue à l'autre, j'ai souvent tendance à me mélanger un peu les pinceaux et ça donne parfois lieu à un nouvel Esperanto très personnel, du style : " On pose la carpa near el rio ? ", mais bon, l'essentiel, c'est qu'on se comprenne !











Le Choro-Trek est une immense descente de 52 kilomètres et de 3560 mètres de dénivelés, entrecoupés de petites montés très raides. Tout dans les mollets et les genoux ! La randonnée commence à 4630 mètres d'altitude, au col de La Cumbre, où passe la Rota de la Muerte, avant de redescendre vers La Paz. La première heure de marche, il faut monter l'Apacheta qui, de ses 4860 mètres, est le point culminant du parcours. De là, on dévale les pentes de la Cordillère Royale, en suivant les vallées des rios Chucura, puis Huarini, jusqu'au village de Chairo, situé à 1300 mètres d'altitude et non loin de Coroico.















De nombreuses sections de la randonnée sont pavées de pierres sempiternelles, car ce sentier est l'ancien Chemin de l'Inca, qui permettait d'aller du lac Titicaca à la selva amazonienne. En fait, les sentiers que l'on nomme, de façon générique, " Chemin de l'Inca " sont des voies, le plus souvent réalisées par des sociétés antérieures aux Incas. On sait aujourd'hui que bon nombre de ces routes ont été construites par la civilisation de Tiwanaku, dont l'apogée se situe en l'an 1000 de notre ère. Quoiqu'il en soit, le Choro-Trek est un chemin immémoriel, qui traverse autant l'Histoire que toutes les strates de paysage montagnard imaginable. En quatre jours de marche, on passe de la haute montagne à la forêt tropicale... Au dessus de 3500 mètres, nous sommes dans la Puna, la haute montagne. De 3500 à 1200 mètres, nous traversons la Quehwa, au climat tempéré. En dessous de 1200 mètres, c'est la Yunka, au climat chaud et humide, avec plein de moustiques !



Durant les premières heures de marche, les températures sont glaciales et l'environnement, totalement minéral, est parsemé de névés. Au fur et à mesure de notre descente, l'air se fait plus doux et les premiers végétaux apparaissent. Au bout de quatre heures, nous arrivons à Chacura. La vie des habitants de ce petit village d'altitude, érigé dans un désert de pierre et uniquement accessible à pied, pousse à l'admiration. Comment ces gens font-ils pour arriver à survivre en pareil lieu ?















Nous continuons notre chemin en traversant un nuage d'altitude et, en fin de journée, nous arrivons au bord du rio Churaca. Nous plantons nos tentes dans un petit hameau qui doit compter une dizaine d'âmes. Les habitants, haut comme trois pousses, habitent de petites cahutes en pierres, tellement basses qu'on ne peut s'y tenir debout. Elles sont posées le long des eaux translucides de la rivière, sur une herbe rase, de couleur vert-pomme. On se croirait presque au pays des Hobbits ! A la nuit tombée, nous faisons un feu de camp qui peine à nous réchauffer.

















Le lendemain, le paysage change complètement. La végétation devient luxuriante. Dans la matinée, nous traversons des forêts de bambous qui font progressivement place à de véritables arbres. Amaryllis, bégonias, c'est un festival de fleurs ! Les cascades se succèdent et nous traversons plusieurs ruisseaux sur d'incertains ponts suspendus.








La faune aussi devient plus riche. Je vois un renard, des perroquets et plein de papillons multicolores. Le soir nous établissons notre campement à Bella-Vista, au bord d'une falaise verdoyante. Nous n'avons plus beaucoup de provisions et une Indienne qui vit là nous prépare de quoi reprendre des forces : une bonne omelette-riz-patates.















Le jour suivant, il fait chaud. Nous évoluons maintenant dans une véritable forêt équatoriale. A peine trois heures de marche nous mène au lieu dit " Casa Japones " , qui tient son nom d'un Nipon installé ici depuis une cinquantaine d'années. L'homme a maintenant 78 ans. Anna, qui parle courament sa langue, souhaite lui rendre visite.
















Le vieux est litéralement cassé en deux, les membres déformés par l'artryte, mais ses yeux gardent une jeunesse malicieuse. Il habite une maisonnette en pierre, ouverte à tous vents. Il a construit lui-même cet abri, au confort plus que spartiate, en haut d'une butte, dont la vue est exceptionelle. Tout autour, il s'est aménagé un jardin paradisaque, où paissent, en toute quiétude, de petits chevaux en liberté. Cet endroit est certainement un des plus beaux de la vallée.




Ancien grand voyageur, le vieux Japonais voyage maintenant par procuration, en fonction des randonneurs qui s'arrètent chez lui pour lui raconter comment va le monde. Les yeux mouillés, il tripote son impressionante collection de cartes postales, de la Terre entière, acheminées miraculeusement jusqu'ici, en nous racontant ses souvenirs. Anna et moi tombons sous le charme, de l'homme et de l'endroit. Nous ne voulons pas finir la randonnée aujourd'hui. Nous souhaitons rester dormir là. Nous faisons grève. Nos trois autres camarades finissent par céder à notre caprice, mais finalement non sans cacher leur plaisir. Sur fond de fumée et de brume, Anna en fera quelques bulles de joie...












Le dernier jour, deux dernières heures de marche nous conduisent à Chairo, sur les bords du rio Huarini, où s'achève le Choro-Trek. Nous allons déjeuner au touristique bourg de Coroico et reprenons, le soir même, un transport pour La Paz, sur la fameuse Rota de la Muerte, qui doit enlacer en d'infinis lacets les parois verticales de la Cordilière Royale, aux dimensions hors d'échelle humaine. En voiture ou en bus, les sensations sont garanties !




lundi 25 juillet 2011

La PaUz !


Après une nuit de bus pourri, j'arrive à La Paz. J'y suis le même jour que Leen (Lena) et Tomas rencontrés à Samaïpata, quelques semaines au par avant. Je les rejoins dans leur hotel. Ils sont avec Anna, une Italienne qu'ils ont connu en Patagonie, il y a quelques mois. Comme moi, Anna est venue en Amérique du Sud en voilier-stop et voyage pour une période indéterminée. Ma première impression de La Paz n'est pas très positive. En arrivant, je découvre une immense cuvette, cernée de montagnes, entièrement lotie, d'une façon qui semble, de prime abord, totalement anarchique. Les maisons en briques ne sont pas ravalées, ce qui donne à la ville un caratère d'inachèvement et de perpétuel chantier. Pour atteindre le centre, on a l'effrayante impression de s'enfoncer dans un immense chaudron, sans issue, grouillant, bruyant et pollué. Je pense ne pas rester plus de trois jours dans cette cité désagréable ! Anna, Lena, Tomas et moi souhaitons partir le plus rapidemment possible en trek et pourquoi pas aussi faire l'ascension d'un sommet bolivien...



Mais deux jours passent et Tomas tombe malade. Il a mangé un truc pas frais dans la rue et reste une dixaine de jours, sous anti-biotiques, patraque dans sa chambre. Ensuite, alors que Tomas se rétablit, Anna, qui travaille à distance sur internet, est à son tour bloquée quelques jours par des problèmes professionnels à régler. Moralité, le temps s'écoule et l'inaction de groupe prend le dessus. Difficile de s'organiser. Mais, en définitive, cela ne me déplait pas car plus je reste à La Paz, plus je tombe sous le charme discret de cette ville tentaculaire. Peu à peu, je commence à adorer tout ce qui, à première vue, me déplaisait. Je perçois maintenant l'urbanisme sauvage de cette cité comme un espace de liberté. Et puis, cela me fait du bien de me poser un peu. Au fil des jours passés à l'hotel Jach'a Inti, je me sens, petit à petit, chez moi et je prends mes habitudes dans ma superbe suite-placard en photo ci-dessous : 5 m2 et 1.5 euros la nuit ! De leurs côtés, Lena et Tomas s'approprient la terrasse juxtant leur chambre. Elle devient le point de ralliement incontournable du soir, avant d'aller diner au Pot Colonial, notre cantine préférée, ou de sortir en club. Le temps passe et nous restons finalement un mois dans la capitale bolivienne et ses alentours ! Mais il y a tellement de choses à faire dans le coin... Bref, à La Paz, c'est la PaUz.


(photo Tomas Van de Wiel)


Dans l'hotel voisin du mien, je rencontre un petit groupe de Francais bien sympa et bien fêtard. Il y a Nicolas, photographe et révolutionnaire, qui fait un tour du monde pendant un an. Eric , lui, fait son premier grand voyage en solitaire et se réjouit de chaque instant. En France, il est saisonnier, il fait du son et habite en camion. Il a un vrai esprit punk. Felix est Espagnol. Il voyage en travaillant en tant qu'artesano. Juliette et Maud sont deux copines venues faire un stage en Amérique du Sud et elles en profitent pour visiter différents pays. Laura se ballade seule, quelques mois, au grés de ses envies. Luiss et Yohan sont de passage quelques jours. Anaïs et Fabian, un couple franco-colombien, eux, au contraire, vivent dans notre hotel durant quatre mois, car Anais travaille ici pour l'Unesco. Souvent le soir, on se prépare à manger tous ensemble dans la cuisine communautaire de l'une de nos deux auberges. Eric nous fait découvrir ses talents de cuisto hors paire.



(photo Tomas Van de Wiel)

Pour comprendre La Paz, il faut aller au marché de l'Alto....





pour voir la ville de haut...




puis redescendre par les escaliers et les ruelles...


oú jouent les enfants...


(photo Tomas Van de Wiel)


et jouer avec eux á qui prendra l'autre en photo.


Un autre jour, avec les copains, je pars faire la Rota de la Muerte à vélo. Cette route, en épingle à cheveux, sur une corniche à flanc de falaise, relie Coroïco à La Paz. Elle est considérée comme l'une des plus dangereuses du monde, car elle compte près de 300 morts par an ! A vélo, c'est une longue descente d'une cinquantaine de kilomètres et de plus de 3500 mètres de dénivelés. Le jeu consiste, durant les quatre heures de descente, à freiner le moins possible, en évitant de rater un virage. Ca fait un peu " grand tour de manège " mais, entre potes, c'est bien marrant. Et, en fin d'après-midi, c'est un vrai bonheur que d'arriver dans la douceur de ce fond de vallée des Yungas et de farnienter, torse nu, au bord de la piscine.




Une autre fois, nous partons prés du lac Titicaca, visiter le temple de Tiwanaku, centre de la société du même nom, qui connut son apogée en l'an mille de notre ère. Bien que peu spectaculaire, le site a l'intérêt de nous faire comprendre l'importante influence que cette civilisation a eu sur l'Empire Inca, qui émergea seulement quatre siécles plus tard.


Je profite aussi de mes journées sédentaires à La Paz pour prendre quelques cours d'Espagnol, histoire de pouvoir communiquer autrement qu'au présent de l'indicatif. En seulement huit heures de cours particuliers, Milka, mon excellent professeur, me permet de faire de réels progrès. Gracias amiga !


(photo Leen Roels)


Mais la Bolivie est aussi le pays au monde oú il y a le plus de jours fériés. Il y a 54 fétes officielles au calendrier, soit plus d'une par semaine ! La fiesta commence généralement en journée par des défilés musicaux et colorés, trés organisés et trés kitchs. Le soir, la boisson aidant, les gens se lachent plus, deviennant trés cordiaux, et la féte prend un ton plus spontané. Il est fréquent alors de finir la soirée dans une peña (boite de nuit de musique traditionelle) avec quelques Boliviens rencontrés une heure avant dans la rue.


Outre les peñas, á La Paz, il y a toutes sortes de clubs, plus ou moins pour gringos. Résultat, je sors presque tous les soirs avec mes nouveaux camarades. Nous écumons entre autres lieux, les fameux Blue, Loki, Underground et autres... Les nuits de La Paz ne sont pas tristes. C'est, je crois, la seule ville au monde, oú les taxis-de-nuit vous propose d'acheter de la c !




A l'exception des soirées arrosées, les Boliviens sont plutot de nature réservée, voire timide. Parfois, il ne faut pas hésiter á briser la glace. Avant que je n'arrive en Bolivie, on m'avait mis en garde contre les dangers, les vols... J'ai passé plus de deux mois dans le pays et je n'ai croisé que des personnes d'une remarquable honneteté. On m'a couru aprés dans la rue pour me rendre un billet de 100 bolivianos. On a rapporté á un ami son appareil photo qui était tombé de sa poche en boite de nuit. J'ai vu une dame faire le tour d'un restaurant pour touver le propriétaire d'un objet perdu.


La Bolivie est le pays le plus indien d'Amérique du Sud et, ici, tous les codes sont différents de ceux du monde occidental. On a l'impression que le pays s'est construit entre tradition et révolution. L'activité mercantile ne semble pas etre le premier soucis des gens. Satifaire aux exigences des traditions est bien plus important. Une vendeuse peut vous dire qu'elle n'a plus un produit car elle ne veut pas aller le chercher dans son arriére boutique. Mais le lendemain, elle pourra attendre une journée entiére, debout dans le froid ou dans une voiture surchauffée par un soleil de plomb, pour recevoir quelques goutte d'eau bénite, ou tout autre talissement protecteur. Les offrandes á la Pachama se vendent á tous les coins de rue, ainsi que les foetus de lamas, qu'il est indispensable d'enterrer sous les fondations de chaque maison ! Quand je vois la densité de constructions á la Paz, je me demande comment l'espéce n'est pas déjá en voie d'extinction !


A coté de ces ex-votos, sur les murs de la ville, plane encore le profil du Che Guevara. Ce dernier a été exécuté en 1967 á La Higuera, au sud est de Santa Cruz. Aujourd'hui sa célébre photo, prise par Alberto Korda, est imprimée partout dans le pays, sur tous les supports imaginables. Elle est devenue un symbole de révolution et de liberté, dans une société bolivienne qui cherche sa voie au fil des générations qui se succédent.


Moi, á deffaut d'etre au fait des soubressauts révolutionnaires européens, du haut de ma terrasse lapazienne, je lis : " L'insurrection qui vient ", signé du Comité Invisible, lecture que je recommande á tous, par les temps qui courrent.