Description

Mais aussi avec bien d'autres moyens de transport parfois des plus surprenants... Le 1er juillet 2010, je pars de Bretagne à vélo. Arrivé au Maroc, je traverse l'océan Atlantique en voilier-stop. Je passe ensuite un an et demi en Amérique du sud. Puis d'avril 2012 à septembre 2013, je traverse l'océan Pacifique en voilier. Enfin, en mars 2014, je reprends le vélo pour rentrer en France depuis Bangkok, en suivant la route de la soie à travers la Chine et l'Asie Centrale...

mardi 16 décembre 2014

Traversée de l'Anatolie

Côte de la Mer Noire.
Le point noir au centre de l'image étant un dauphin à une vingtaine de mètres du rivage...
Oui, c'est un peu le défaut de mon appareil photo compact à deux balles !

Depuis Batumi, je longe la côte de la Mer Noire : une grande route toute neuve, plate, avec de larges bas cotés et peu de circulation. Il fait beau, une vingtaine de degrés et il n'y a pas de vent. Après les montagnes du Caucase, voir un paysage de plages de galets, plongeant dans des eaux translucides, où s'ébattent des dauphins, c'est reposant. En trois jours de vélo, j'arrive à Trabzon. Dernière capitale de l'Empire Byzantin, c'est aujourd'hui une petite ville provinciale très animée, où la nourriture y est particulièrement délicieuse et les filles très jolies. C'est l'endroit idéal pour me reposer deux jours et enfin prendre le temps d'actualiser ce blog. Car continuant à voyager sans aucun instrument électronique (ni ordinateur portable, ni téléphone mobile et encore moins de GPS), je n'ai pas vraiment le temps de m'occuper de cela au quotidien.

Petite ville ottomane de Amasya,
construite sous les tombeaux perses des Rois du Pont, creusés dans la falaise
Paysage agricole classique des hauts plateaux ondulés d'Anatolie centrale,
royaume des kangals !
Sphinx gardant l'une des portes de la capitale Hittite de Hattusa (vers 1300 ans avant J-C)

Après Trabzon, la route côtière devient de plus en plus monotone, la circulation s'intensifie et le temps se refroidit  franchement avant de tourner à la pluie. Après quatre jours à constater que mes contre-façons chinoises de vêtements de sport ne sont pas vraiment waterproof, j'arrive à Samsun, trempé comme une soupe. Il est grand temps que je trouve un climat plus clément pour passer l'hiver ! Je décide de mettre le cap plein sud pour rejoindre la côte méditerranéenne de Turquie. Cette traversée de l'Anatolie, du nord au sud, me permet par ailleurs de passer par certains sites historiques que je rêve de visiter.

La Cappadoce
Ci-dessus et ci-dessous : Cornélia et moi


Avec plus de 13 000 kilomètres à vélo depuis Bangkok (et plus de 20 000 depuis mon départ de France), les détours de plusieurs centaines de kilomètres et quelques montagnes en plus ne me font plus peur. Au contraire, je dirais même que le vélo me manque rapidement quand je m’arrête plus de deux jours quelque part et les dénivelés aussi car le terrain plat me semble rapidement monotone. Oui, le vélo, c'est très addictif. Rapidement, ça vous gagne ! Durant deux semaines, je roule très souvent sous la pluie et même parfois sous un peu neige. Qu'importe, je m'habitue, et du moment que je n'ai pas trop froid, ce n'est pas si désagréable que ça. Cela devient pénible quand les températures tombent en dessous des 5 degrés mais, en pédalant vite, on se réchauffe.






Le grand avantage de passer cette saison en Turquie est que je suis absolument seul pour voir tous les sites touristiques, habituellement noirs de monde le reste de l'année. J'ai pour moi : les tombeaux perses de Amasya, la capitale hittite de Hattusa, les lieux de cultes et citées souterraines byzantines de Cappadoce...



Un vrai gruyère...
avec des cités souterraines construites à des dizaines de mètres sous terre
et pouvant accueillir des milliers de personnes.

Quoiqu'en Cappadoce, les sites " incontournables " sont tout de même envahis par les bus de touristes quotidiens des voyages organisés (surtout des Chinois et des retraités Allemands), alors que c'est la période qui est la plus creuse de l'année... je n'ose imaginer en juillet et en août ! Mais dès qu'on sort un tout petit peu des sentiers battus, la Cappadoce est toujours une région superbe et relativement sauvage. Des bergers m'ont même invité à dormir chez eux dans leur habitation creusée dans la montagne. Ce fut une expérience trop glodite !

Par endroit la Cappadoce est devenu un grand supermarché du tourisme de masse
Et, à certains carrefours, c'est pas toujours évident de trouver son chemin...
 Car question "hotels de charme" , version troglodyte, il n'y a que l'embarras du choix !
 Mais on est quand même vraiment mieux chez l'habitant...
ou, à défaut, dans quelques pensions locales bon marché.

Le plus difficile, lors de cette traversée du nord au sud de la Turquie, est de gérer les kangals, ces énormes chiens de bergers, certains gros comme de vrais petits veaux (regardez par vous même les images sur le net), parfois rendus à l'état sauvage et qui errent sur les plateaux anatoliens, en meute, tels des loups affamés à la recherche de nourriture. Et s'il y a une chose au monde qu'ils détestent, ce sont : les vélos ! Les roulements à bille des roues doivent provoquer des ultra-sons qui excitent les chiens au plus haut point. Je me suis donc fait attaquer plusieurs fois, mais heureusement je suis toujours arrivé à m'en sortir sans morsure et à négocier mon passage avec le chef de la bande.


Une image trouvée sur internet car je n'ai pas vraiment eu le courage d'en faire moi-même.
Les Turcs ne sont pas nains mais certains kangals sont effectivement très grands !

Tous les cyclistes  ont leur technique pour parer aux chiens. La mienne est de leur parler sur un ton jovial en disant : " Mais c'est qui ce beau chien, oh le gentil toutou, etc... " Et ça marche, ça les calme. Ou parfois je chante, ça marche aussi. Mais c'est pas toujours évident de chanter juste dans ces conditions et ces bêtes féroces sont très exigeants. Si vous ne me croyez pas, essayez. Entraînez-vous d'abord sur des yorkshires avant de plus gros calibre et vous verrez ! Une fois il y en avait deux en train de dévorer un énorme sanglier, et ils m'ont pris pour un indésirable pique-assiette, c'était un peu flippant, alors je leur ai dit : " Non, les gars, ne vous dérangez pas pour moi, surtout continuez à manger, je ne fais que passer... " Souvent les paysans abattent des sangliers car ces derniers détruisent leurs cultures et, comme ils ne mangent pas de cochon, ils laissent le cadavre pour nourrir cette race de chiens errants dont ils sont très fiers. Il faut avouer que ce sont de belles bêtes, bien puissantes et résistantes à toutes les conditions climatiques. En fait, ce ne sont pas des monstres, mais seulement de gros nounours qu'il faut savoir caresser dans le sens du poil.

 Dernières montagnes : traversée de la chaîne de l'Ala Daglar, dominée par le Mont Demirkazik (3756 m)
et arrivée au sommet du dernier col (1600 m) qui me sépare encore de la mer Méditerranée.

Malgré la froideur de l'hiver et la sauvagerie des chiens, après tous les pays que j'ai traversé, tout me semble facile en Turquie. La culture est sophistiquée, la nourriture excellente et les gens sont d'une grande douceur. Je me sens déja presque de retour à la maison. Cependant il y a peu d'anglophones et même je rencontre plus de germanophones et c'est une bonne occasion pour moi de me remettre à l'Allemand !



Chateau de Kizkalesi sur la côte méditerranéenne
 Non loin de la côte, la Grotte du Paradis,
dont on raconte que sa rivière souterraine se jette dans l'infernal Styx.

Enfin, quinze jours après avoir quitté la Mer Noire, j'arrive au bord de la Mer Méditerranée au niveau de Mersin. Là, je retrouve le beau temps : ciel bleu, grand soleil et une vingtaine de degrés en milieu de journée, avec une eau presque baignable, même si je ne me suis pas encore motivé pour m'y plonger. Pour essayer de fuir l'hiver, je vais continuer ma route toujours plus au sud en prenant un ferry à destination de l’Île de Chypre.


Fresque byzantine d'une des innombrables églises troglodytes de Cappadoce

dimanche 16 novembre 2014

Pays du Caucase : Arménie et Géorgie


Je reprends ma route en solitaire avec mon nouvel équipement me permettant d'affronter le froid

La frontière irano-arménienne est marquée par la rivière Araxe, supposée être le Guihôn de la Bible. Une fois sur la rive nord, l'escalade commence. La traversée du massif de Zanguezour, qui aboutit à l’extrémité occidentale du Plateau du Karabagh, est l'une des parties les plus difficiles de mon voyage, surtout en cette saison d'automne avancé. Les frontières n'ont aucune logique géographique et la seule route, menant de l'Iran à la capitale arménienne, se faufile entre deux enclaves azerbaïdjanaises, en affrontant les montagnes à la perpendiculaire. Le résultat est une enfilade de cols, l'un culminant à 2535 mètres, intercalés de profondes gorges redescendant aux alentours des 600 mètres d'altitude. Bref, ça ne fait que monter ou descendre, avec des pourcentages de pente dépassant souvent les 10/100.

Ma première montagne en Arménie : le col de Meghri

Mais le plus difficile est le froid de cette fin du mois d'octobre. Je me paie d'abord de rouler dans le nuage, puis sous la pluie, la grêle et enfin la neige ! Après quelques nuitées frigorifiques sous ma tente, je commence à envisager de dormir dans des auberges, quand j'arrive à en trouver en chemin. Cela dit, les routes sont quasiment désertes, ce qui fait du bien après l'Iran, et les paysages sont grandioses. Je visite aussi quelques monastères de ce pays, le premier au monde a avoir été christianisé, comme celui de Noravank perdu de façon émouvante au fond d'une petite vallée encaissée.

Monastere de Noravank...
et la gorge qui y mène.

Enfin redescendant dans la vallée de l'Araxe, je débouche devant un panorama incroyable : face à moi les neiges éternelles du Mont Ararat (où s'est échoué l'Arche de Noé), dominant la plaine de Erevan, absolument grandiose. Le 4 novembre, j'arrive enfin dans l’agréable capitale arménienne, où je me repose deux jours, avant de reprendre la route en direction de la Géorgie. Malheureusement, je n'ai pas trop le temps de chômer, si je ne veux pas être pris dans les glaces du Petit Caucase, que je dois encore traverser, avant pouvoir atteindre la Mer Noire à Batumi.

Mont Ararat
Col Ararat.

Je repars d'Erevan par un bel anticyclone qui dure jusqu’à ce que j'atteigne la Mer Noire. Heureusement, car malgré un beau soleil et une dizaine de degrés durant la journée, les nuits dans le Petit Caucase sont glaciales en cette saison, voisinant les -15 degrés. La plupart du temps, j'arrive à trouver des hébergements sur la route, sommaires et assez chers pour leurs qualités, mais je dors aussi parfois sous ma tente et ce n'est pas vraiment le fun de se lever les pieds dans la neige. Cela dit, pour rouler, les conditions sont idéales et je rejoins sans trop de peine la Géorgie.

Hauts plateaux de la Meskhétie

De l'autre coté de la frontière, le paysage des Gorges de la Koura, avec ses monastères déjà couverts d'un fin manteau blanc, est encore plus beau. Depuis Akhalkalaki, je prends quelques jolies pistes traversant le haut plateau de la Djavakhétie pour rejoindre la Cité Troglodyte de Vardzia par le versant sud-est qui la domine. Mais je ne veux pas trop m'attarder en chemin de peur que le temps ne se gâte et je décide de foncer tout droit sur Batumi, en franchissant un dernier col, le Goderdzi, qui me sépare encore de la Mer Noire.

Racourcis à la Jaco...

Mauvais choix ! Il est fermé depuis deux semaines et pour tout l'hiver, déjà enseveli sous plus d'un mètre de neige. Je dois faire demi-tour, puis un détour de 300 kilomètres, pour contourner la chaîne de Meskhétie par le nord. Cela me prend quatre jours supplémentaires mais me permet de passer par les jolies Gorges de Borjomi, puis par la vallée de l'Imérétie. C'est la paradisiaque Colchide, d'où Jason et ses Argonautes ont rapporté la fameuse Toison d'Or. Je suis ici en plein syncrétisme héllénico-biblique ! La route est belle mais la circulation devient infernale des qu'on rejoint l'axe Tiblissi-Batumi. La route est toujours aussi petite et les Georgiens roulent comme des fous. Plusieurs fois, je me fais raser de pres par des bus et des poids lourds. Enfin, le 15 novembre, j'arrive sur les bords de la Mer Noire, où je retrouve la douceur moite du climat d'Adjarie, ainsi que les joies du camping sauvage.

 Du haut des gorges de la cité troglodyte de Vardzia.
Sur le sentier gelé il faut mieux éviter la glissade fatale...

Au moment de partir de Batumi, je rencontre quelques voyageurs sympas : un cycliste français, un motocycliste hongrois et un auto-stoppeur tchèque. Je décide donc de rester une journée de plus mais je reprends la route demain pour aller dormir en Turquie.

Et enfın Kara Deniz : la Mer Noire
TO GO IN NOVEMBER TO HAVE WARM WEATHER
THAT'S THE QUESTION OF THE CYCLIST !!!

lundi 27 octobre 2014

Iran : trois à vélo de Téhéran à Tabriz (3)

Quelques photos de Pascal Lachance suffiront à exprimer l'essentiel...

Tour Azadi

De retour à Téhéran, Suzana, Pascal et moi n'avons pas beaucoup le temps d'en profiter. Nous passons cinq jours à courir dans tous les sens, écumant tous les bazars de la ville, pour nous racheter tout ce qui nous manque avant de reprendre la route.

Susana posant pour l'excellent site web : Women on Wheels

Le 12 octobre, par solidarité avec le peuple iranien, nous partons de la Tour Azadi, la Tour de la Liberté de Téhéran. Alors que nous prenons la direction Tabriz, il y a un beau soleil et les températures sont idéales pour rouler, ainsi que pour dormir sous nos tentes (20 degrés environ en journée).



En chemin, nous nous arrêtons visiter la vallée d'Alamut, d'une incroyable beauté sous ses couleurs automnales, où se trouvent les ruines de la forteresse des Haschichins, célèbre secte de brigands du Moyen-Age.

Vue du haut du château des Haschichins : planant...
Visite de la Vallée d'Alamut en taxi jaune

Nous retrouvons les joies du camping sauvage. Une nuit dans un verger, une autre un beau champs nous accueille mais, quand il pleut, n'importe quel abri de fortune fait l'affaire...




Et justement les jours suivants, la pluie se met de la partie. Puis les températures commencent à baisser, baisser, baisser, jusqu'en dessous du zéro degré. Non, mes cheveux n'ont pas repoussé dans une version Jackson Five, mais en dormant avec ma toque turkmène en pure peau de mouton, je m'assure des nuits bien protégées contre le froid !




Et on finit par se payer une première tempête de neige ! C'est une difficile entrée dans mon premier hiver dans l’hémisphère nord depuis quatre ans. Pas du tout équipés en conséquence, nous sommes littéralement congelés : arrêt obligatoire tous les 5 kilomètres pour éviter les engelures.




Heureusement cette première petite dépression ne s'attarde pas plus de deux jours et nous arrivons sains et saufs à Tabriz, où nous retournons faire des courses, dans l'antique bazar de la ville, à la recherche d’équipements nous permettant d'affronter des températures polaires.

Ci-dessus : juste pour montrer que la route n'est pas toujours aussi belle...
Ci-dessous à Marand, Akbar Naghdi, médaille d'or des Warm Showers !

 Durant les 31 derniers mois, il a accueilli et photographié 484 cyclistes passant par sa ville.
A peine arrivés en ville, il est venu nous trouver :
" Je vous attendais, on m'a informé que trois nouveaux cyclistes venaient par ici "
Il a le coeur sur la main. Il est lui-même cycliste et marathonien.

Demain, nous repartons tous les trois pour une dernière journée de vélo ensemble. Après quoi Susana et Pascal se dirigeront vers la Turquie et moi vers l’Arménie. J'ai voyagé quatre mois avec Pascal et deux avec Susana. C'est pas évident de dire au revoir, même si nous savons que le voyage nous impose cela sans cesse : une alternance de nouvelles rencontres, de partages intenses et de séparations.