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Mais aussi avec bien d'autres moyens de transport parfois des plus surprenants... Le 1er juillet 2010, je pars de Bretagne à vélo. Arrivé au Maroc, je traverse l'océan Atlantique en voilier-stop. Je passe ensuite un an et demi en Amérique du sud. Puis d'avril 2012 à septembre 2013, je traverse l'océan Pacifique en voilier. Enfin, en mars 2014, je reprends le vélo pour rentrer en France depuis Bangkok, en suivant la route de la soie à travers la Chine et l'Asie Centrale...

mercredi 24 septembre 2014

Arrivée en Iran : du nord Khorasan à Téhéran en passant par la mer Caspienne (1)

Ce n'est pas facile de tenir régulierement à jour ce blog. Mais voici un succinct résumé illustré de mes premières semaines passées en Iran, en trois parties traitant de différents aspects de la société iranienne. Il y aurait tant de choses à dire sur ce pays fascinant... Une fois encore, la plupart des photos de cet article sont de Pascal Lachance.

Mais premièrement, dans ce pays aride, les pauses réhydratation sont fréquentes !
Ci-dessous : traversée de la chaîne d'Elbourz, séparant Téhéran de la Caspienne,
passant au pied du plus haut sommet iranien, le  Mont Damavand ( 5670 m)

Pascal et moi franchissons la frontiere turkmèno-iranienne le 11 septembre. L'Iran est certainement l'un de mes pays préférés (avec la Chine) de cette longue route de la soie. Pourquoi ? Pour une chaleur humaine propre aux Iraniens. Et pourtant la première nuit n'a pas été la meilleure car je me suis fait voler les deux sacoches arrières de mon vélo. Heureusement, je n'avais rien de valeur à l’intérieur, à l'exception de mes deux derniers carnets de route et une clef USB avec les photos d'une partie de mon voyage, ce qui est pour moi une perte bien affligeante. Surpris par la nuit, nous avons planté nos tentes dans le pire endroit qui soit, un champs servant à moitié de décharge publique, juste à la sortie de Quchan. Nous avons ri en nous disant : " Ah si nos potes voyaient où nous passons nos nuits, ils diraient qu'on est de grands malades ! Mais ils ne savent pas qu'en Iran, on ne risque rien nulle part ! " Comme quoi, cela peut arriver n'importe où ! Même si nous avons appris par la suite que cette région du nord Khorasan est particulièrement mal famée. Mais malgré cette première mauvaise expérience et après presque deux mois passés en Iran, je vous le confırme : ce pays est vraiment l'un des plus safe au monde et les Iraniens sont les êtres les plus hospitaliers de toute la planète.


Comme par enchantement, le lendemain, au bord de la route, nous rencontrons un être d'exception : Guy Blanc. C'est un marcheur, un vrai de vrai. Ce Français est parti de Toulon il y a 7 mois et il a parcouru 7000 kilomètres à pied pour arriver jusqu'ici ! Et si je vous dis son age, vous ne me croirez pas : 75 ans ! Cette rencontre efface à l'instant tous mes soucis de la veille, redonnant du sens à mon propre chemin : c'est aussi pour rencontrer des gens comme ça que je voyage, ces sortes d'anges, qui sont comme des agnus dei pour le monde. Plus tard en Arménie, je rencontrerai également un autre marcheur fou, un Allemand parti il y a deux ans de chez lui, en route vers l'Inde ! Il est en sandales dans la neige alors que moi, je me gèle. Je le quitterai réchauffé.

Alireza et son père nous recevant chez eux comme des rois
Approvisionnement en eau et en pain

Pascal et moi filons plein ouest en direction de la Mer Caspienne. Après l'Asie Centrale, la circulation intense est un peu pénible mais les routes ont de beaux bas côtés et les automobilistes sont civilisés. Au fil des jours nous constatons ce que le mot accueillir signifie en langue farsi. Sur la route, à longueur de journée, tout le monde nous salue ou nous lance des : " Welcome in Iran ! " ou bien des " I love you ! " Parfois une automobile nous dépasse, freine et le conducteur entame la conversation, avant de nous tendre, tout en conduisant, quelque chose à boire ou à manger par la fenêtre de son véhicule ! Certains commerçants refusent même que nous les payons. La taarof est une forme de politesse iranienne qui veut qu'on commence par dire à un acheteur qu'on ne veut pas être payer mais, même lorsque nous insistons trois fois de suite, certains vendeurs nous disent que c'est cadeau, que c'est de leur devoir que d'offrir aux étrangers ! Et parfois, en fin d'après midi, il arrive que nous soyons littéralement kidnappés ! Un inconnu s'approche et nous dis : " Suivez moi, cette nuit vous dormez chez moi ! " et toute sa famille se met en quatre pour nous offrir tout ce qu'elle a, cherchant à satisfaire tous nos désirs. C'en est parfois presque gênant. Un jour chez quelqu'un à qui je demandais où je pouvais me laver, mon hôte est parti en ville acheter une nouvelle douche qu'il s'est empressé de monter ! Sans conteste, les Iraniens remportent la palme d'or de mon voyage, en ce qui concerne l'hospitalité (juste devant les Ouzbeks et les Marquisiens). Après cela,  la signification du mot accueillir en français risque d'être difficile à appréhender...

Mini-conférence sur notre voyage dans une école d'anglais et nuit dans une des salles de classe

Un jour, du bord de la route, un vendeur de noix m'interpelle en Français, ce qui est plutôt rare. Surpris, je m'arrête. Il me dit : " J'étais sûr que tu étais Français, alors je voulais te parler, car je n'ai pas beaucoup l'occasion de pouvoir pratiquer cette langue. " Et il m'offre des noix en me disant qu'il adore la France, qu'il s'appelle Mehdi et qu'il est Afghan. Je lui demande comment il a fait pour parler aussi bien ma langue et il me raconte son histoire. Fuyant la guerre, il est passé clandestinement en France et il est resté cinq ans à Paris, en vivant dans la rue. " Même si j'adore la France, je te jure mon frère, cela a été trop dur cette vie " me dit-il. Alors il est revenu en Afghanistan, mais comme c'était toujours la guerre, il est repassé clandestinement en Iran, comme énormément de ses compatriotes, et aujourd'hui il tente de survivre en vendant des noix sur le bord de la route. Je lui demande quel quartier de Paris il connait. Il me répond qu'il dormait dans le petit parc près de la Gare de l'Est. Troublé, je réponds : " C'est juste en dessous des fenêtres de l'appartement que j'occupais alors ! " Il rit et me dit : " Oui, c'est pour ça je t'ai reconnu sur ton vélo ! " Je pense que je n'ai rien fait pour lui quand il était en détresse dans mon pays, sous mes propres fenêtres, qu'aujourd'hui, chaque jour, dans son pays, des gens m'accueillent les bras grands ouverts avec un grand sourire. Et maintenant je le quitte avec dans la poche les noix qu'il vient de me donner...

Nous goûtons aux spécialités locales...
dont le sempiternel plat de brochettes accompagné de son thé
( NB : seul le tatouage n'est pas iranien mais d’inspiration tibétaine )

La plupart du temps, nous dormons sous la tente. L'Iran est LE pays du camping. Tout le monde campe, partout, pour pic-niquer une après-midi, pour passer un weekend, ou sur le bord de la route lors de longs voyages, car les hôtels sont chers pour le niveau de vie du pays. Il est même autorisé, voir vivement recommandé, de poser sa tente au beau milieu des jardins publics des villes, toujours très propres, avec des sanitaires à disposition ! La notion de protection de l'environnement étant inexistante en Iran et les petits bois dédiés au camping n'étant pas nettoyés, ce sont malheureusement de vrais dépotoirs.



Bien que nous soyons heureux d'arriver au bord de la mer, les rivages de la Caspienne nous déçoivent un peu. L'Iran n'a vraiment pas une culture de la plage. On va à la mer pour pic-niquer, éventuellement se mouiller jusqu'au genou, mais c'est tout. Par ailleurs tout le littoral a été privatisé et souvent un long mur enferme la mer. En tant qu'étranger nous sommes évidement invités sur toutes les plages mais, alors que nous nageons à dix mètres du rivage, nous sommes vite rappelé à l'ordre par le coup de sifflet d'un life guard : " Non, non, revenez immédiatement, vous êtes complètement fous, interdiction formelle d'aller dans plus d'un mètre d'eau de profondeur ! " Quand aux femmes, elles se baignent comme elles peuvent, toutes habillées, dans une partie de la plage qui leur est réservée, close par des tentures, pour les soustraire totalement aux regards des hommes. Bref, c'est pas vraiment Rio de Janeiro ! Nous ne nous attardons pas. Quittant la mer Caspienne, nous devons encore franchir la chaîne d'Elbourz, pour rejoindre Téhéran. En chemin nous passons deux nuits au pied du Mont Damavand, le plus haut sommet d'Iran, culminant ) 5600 mètres d'altitude. Nous traversons aussi les pires tunnels de notre route, ces derniers n'étant pas ventilés.



Nous mettons quasiment une journée entière pour atteindre le centre de la tentaculaire capitale iranienne, affrontant un trafic de plus en plus intense à mesure qu'on se rapproche de son cœur battant : le Grand Bazar. Dans ce labyrinthe infini, ce fourmillement intense et souple, ses couleurs chatoyantes et ses odeurs profondes, vibre toute la sensualité du pays. J'aime les bazars bien que j'en ressorte à chaque fois épuisé, mais je dois admettre solennellement que je n'ai pas l'endurance de mes compagnons de voyage, Susana et Pascal,  qui peuvent y passer des journées entières !



mardi 2 septembre 2014

Accueillant Ouzbekistan et flippant Turkménistan

Après une dernière traversée des Tian Shan (deux cols à 3590 et 3200 mètres d'altitude), le 14 août, Pascal et moi arrivons en Ouzbékistan par la vallée du Fergana. Peu d'étrangers se rendent dans cette région et nous ne croisons plus aucun voyageur à vélo. La chaleur de l'accueil est difficilement descriptible. Tous les passants nous saluent, les automobilistes nous interpellent et, lorsque nous nous arrêtons cinq minutes, l’attroupement se transforme parfois en véritable émeute. Le temps que j'aille au bazar changer un billet de 100 dollars contre une liasse de 300 billets de 1000 soums (la plus grosse coupure du pays, qui correspond  à 25 centimes d'euros ), je retrouve Pascal au milieu d'une foule d'une centaine de personnes. Cela nous vaut une interpellation policière pour trouble à l'ordre public !

Les photos de cet article sont presque toutes de Pascal Lachance
Dernière descente et arrêt de trois minutes à un carrefour...

Nous quittons la vallée du Fergana en franchissant un dernier petit col à 2360 mètres, laissant derrière nous les difficiles pentes montagneuses pour nous attaquer à la chaleur caniculaire des steppes et des déserts... Arrivés à Tachkent, la capitale du pays, nous faisons nos demandes de visas pour traverser le Turkménistan. Ce dernier sésame s’avère plus simple à obtenir que les précédents. Après seulement deux jours de démarches, nous pouvons repartir le cœur léger de nous savoir enfin définitivement sortis de toutes ces fastidieuses démarches administratives jusqu'à  la fin de nos voyages respectifs.

Le Nième melon de la journée que l'on nous offre !

De Tachkent à Samarcande, nous empruntons de petites routes traversant des zones semi-désertiques, qu'une irrigation intensive transforme par endroit en îlots de verdure, principalement dédiés à la monoculture du coton. Le terrain est plat mais les températures sont de plus en plus élevées : jusqu'à 42° C à l'ombre et 52° C à l'aplomb du soleil sous lequel nous roulons. Tout au long de la route, toutes les personnes que nous croisons, à pied comme en voiture, nous encouragent, nous demandant d'où nous venons : " Adgouda ?". Et tout au long de la journée, on nous offre à boire et à manger, le soir on nous propose de nous héberger. Comme dit Pascal avec son accent québécois inimitable : " Caliste de tabernacle, ça pas d'bon sens comme c'est intense ! "... voir fatigant, car les questions, auxquelles nous devons répondre une centaine de fois par jour, sont toujours exactement les mêmes, au point que, las, parfois nous nous mettons à répondre n'importe quoi pour voir la différence de réaction de nos interlocuteurs. Mais une chose est sûre, l’Ouzbékistan fait partie du Top 3 des pays les plus accueillants de mon voyage.

Campement champêtre et arrivée à Samarcande

Le 25 août, nous arrivons finalement à Samarcande, ville mythique de la route de la Soie. A mi-chemin entre Xian et Istambul, elle marque aussi la moitié de mon chemin entre Bangkok et Paris. Malheureusement la ville photographiée par Ella Maillard a disparu. Les ruines des medersas et des mausolées timurides ont été reconstruites " à l'identique ", avant que les derniers travaux " d'embellissements " ne finissent d’aseptiser la vieille ville, qui prend aujourd'hui des allures de musée dedié à la consommation touristique. Les bâtiments de l’époque de Tamerlan et de son petit-fils Ulug Beg sont, bien sûr, splendides, mais leurs âmes se sont à jamais envolées.





Pascal et moi poursuivons ensuite notre route en direction du sud-ouest. En chemin, des fermiers nous hébergent. On nous invite à une cérémonie de mariage. Le troisième jour, nous traversons la partie sud-orientale du désert Kyzylkoum, le fameux désert des sables rouges. Les températures sont caniculaires mais un fort vent de dos nous pousse à 40 km/heure.



Et dans le désert nous avons été attaqués par la bestiole ci-dessous (environ 9 centimètres). Et elle nous a carrément poursuivie avec ses crocs vénimeux en avant ! Par la suite nous avons appris c'était une inoffensive solifuge qui recherchait simplement nos ombres portées.



Le 1er septembre, nous arrivons à Boukhara, cité d'Avicenne, au carrefour de la route de la soie. Bien que touristique, le centre ville, propret, a été relativement bien restauré. A la différence de Samarcande, les antiques ruelles ont été préservées, ce qui prête mieux à imaginer l'age d'or de cette ville, quand des marchandises de toutes sortes passaient d'une caravane de chameau à une autre. Parcourir la route de la soıe à vélo est le meilleur moyen de la découvrir. En confrontation directe avec sa géographie variée, nous évaluons chaque jour davantage l'épreuve que devait être, il y a plus de mille ans, le voyage périlleux sur cette route commerciale mythique reliant l'Orient à l'Occident.

Ci-dessus la mosquée et le minaret Kalon.
Ci-dessous le magnifique petit mausolée d'Ismael Samani,
construit avec un seul model identique de brique non découpées.
Mais le plus beau. sur cette route, ce sont les gens...
A dos d'âne ou cueillant le coton, tous nous saluent.
Et nous ouvrent les portes de leurs maisons.

Pour le Turkménistan, nous n'avons qu'un visa de transit de 5 jours. Cela est juste assez pour traverser ce pays désertique du nord au sud en pédalant comme des malades. Mais Pascal et moi avons envie d'avoir un peu le temps de voir autre chose que le sable de ce beau pays. C'est ainsi que nous décidons de prendre le train. En chemin nous nous arrêtons visiter le site archéologique de Merve, une ancienne étape incontournable de la route de la soie, entièrement rasée de la carte par Gengis Khan. Puis nous nous rendons dans la capitale : Achgabat, une ville bien plus belle que Paris nous avait-on averti a l'Ambassade ! En effet, difficile de décrire en peu de mots ce lieu surnaturel. Tous ses bâtiments sont exclusivement revêtus de marbre blanc, devant lesquels posent triomphalement des statues en or de l'ancien dictateur, celui-la même qui interdisait que l'on fume dehors mais pas dedans  (!) ou bien qu'on écoute de la musique dans sa voiture (???). Au beau milieu du désert, les nombreux espaces verts d'Achgabat sont outrageusement agrémentés d'un nombre incalculable de fontaines. Et ses grandes avenues sont en permanence lavées par des centaines de balayeurs, à tel point que même le bitume brille ! Elles sont parcourues par quelques voitures, blanches pour la plupart et toutes voitures revêtues d'un petit peu de poussière à la sortie du désert reçoit illico une amende. Tout ça et pourtant, dans les rues, il n'y a absolument personne... à part un policier positionné tous les trente mètres, sifflet dans une main et talkie-walky dans l'autre, prêt à bondir sur le moindre contrevenant. Mais il n'a pas grand chose à faire, vu que les rues sont vides. Achgabat : entre Pyongyang et Las-Vegas un jour de fermeture, on se croirait dans un décor de théâtre avant la levée du rideau, ou bien encore dans la série télévisée des années soixante, Le Prisonnier et on a juste envie de crier : " Non, je ne ne suis pas un numéro, je suis un homme ! "

Je n'ai pas de photos d'Achgabat car c'est interdit d'en prendre,
alors je finirai cet article par des images plus douces d'Ouzbékistan :