Description

Mais aussi avec bien d'autres moyens de transport parfois des plus surprenants... Le 1er juillet 2010, je pars de Bretagne à vélo. Arrivé au Maroc, je traverse l'océan Atlantique en voilier-stop. Je passe ensuite un an et demi en Amérique du sud. Puis d'avril 2012 à septembre 2013, je traverse l'océan Pacifique en voilier. Enfin, en mars 2014, je reprends le vélo pour rentrer en France depuis Bangkok, en suivant la route de la soie à travers la Chine et l'Asie Centrale...

lundi 25 avril 2011

Un Porteño à Buenos-Aires

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En avant propos, je dois dire : ce n'est pas un exercice facile que d'écrire ce blog ! Je m'y astreins pour tenter d'avoir une activité de réflexion par rapport à ce que je vis, pour m'interroger sur le sens que je souhaite donner à mon chemin. Je ne veux pas être uniquement dans la position de celui qui reçoit, mais j'ai besoin de sortir quelque chose de moi. Et puis je crois que cela me fait jubiler que de me dire que je peux, peut-être, faire rêver certains lecteurs. Mais je dois vous mettre en garde : il ne faut croire tout ce que je dis. Parfois, c'est uniquement pour essayer de vous faire planer au dessus de votre quotidien ! Et comment toucherai-je à la réalité, autrement que par touches, forcément subjectives ? On s'habille bien en fonction des circonstances. Mais après trois jours passés dans la rue, on est un SDF comme les autres. Alors quelle importance... Pourquoi ne pas vous laissez illusionner ?







Depuis deux semaines, je suis installé dans le quartier de Belgrano, chez Inès et Enrique, un couple d'amis Argentins de mes parents. Je prends enfin le temps de me poser un peu. Dans un voyage de longue durée, c'est important d'avoir des périodes plus calmes, où l'on s'arrête d'avancer, pour récupérer et pour penser. J'ai besoin de ces moments d'introspection plus solitaire, pour faire le point sur ce que j'ai vécu et envisager la suite de mon voyage. Je partage la vie de mes hôtes, j'essaie d'apprendre laborieusement l'Espagnol, j'écris sur des carnets, je réactualise ce blog et je fais de grandes marches dans les différents quartiers de Buenos-Aires.





Au cours de mes ballades, je m'imprègne de la ville où j'ai vu le jour. J'adore Buenos-Aires ! Par son architecture, autant que par son atmosphère, cette ville est très européenne. J'y retrouve, tout à la fois, des similitudes avec Barcelone, Madrid, Milan et Paris. Des immeubles en pierres de taille, d'un pur style haussmanien, font face à des constructions des années 60 et des tours new-yorkaises viennent narguer un Big-Ben inattendu. La plus large avenue du monde, 125 mètres, cotoye des arbres centenaires. Cette composition urbaine insolite donne un charme incroyable à cette cité, à l'esthétique pleine de raffinement et au caractère totalement envoûtant. Ce tissu composite s'admire depuis les terrasses qui surplombent certains immeubles, quand, au lever du jour, en nuances de gris, se révèle le skyline des toitures.







Comme dans de nombreuses villes d'Amérique, le maillage urbain suit la trame orthogonale et régulière d'un damier, que vient distraire quelques rares diagonales. Toutes les rues se prolongent à l'infini, vers un vide à la perspective toujours repoussée, comme si la ville avait le regard tourné vers son avenir, laissant espérer un au-delà où il resterait encore tout à construire. Pour trouver son chemin, une destination s'indique en nombre de cuadras à prendre sur la gauche et sur la droite, à partir d'une esquina. A priori, rien ne semble plus simple que de s'orienter dans ce genre de plan. Et pourtant, je me perds souvent. Un jour, je comprends que mon esprit français est habitué à un maillage en étoile, où chaque perspective à un aboutissement, toujours marqué par un point de repère, généralement une place avec un monument facilement identifiable. Inconsciemment, mon cheminement se fait alors, de manière cartésienne, du point A au point B, puis au point C. Ici, sans ces jalons, à la moindre altération du damier, je suis déboussolé !







Certains soirs, je sors, de manière très raisonnable cette fois, pour sentir l'ambiance vivante de Buenos-Aires. Sur les conseils de Gustavo, je vais voir Cesar Stroscio y Esquina en concert, un trio guitare-basse-bandonéon, qui développe harmoniquement des thèmes populaires de musique porteña. Vraiment très bien. Une autre fois je vais dans une milonga voir s'épanouir des danseurs de Tango. Je vis un peu comme un vrai Porteño. Je fais des courses. Je me rachète des chaussettes et des caleçons. Loin de la France, je me rends compte à quel point mon pays est vieux, tributaire du poids de son Histoire et emprunt de conservatisme. Je réalise aussi à quel point les Français sont râleurs. Au fin fond de la Patagonie, un esclandre dans un bus ou sur un bateau, je tends l'oreille : " Et gnain gnain gnain, et gnain gnain gnain... " Ce sont toujours des Français, venus, en dignes ambassadeurs, faire une démonstration de cet inénarrable talent en terre étrangère. Ici, souffle un vent de jeunesse et de liberté. L'architecture n'est pas figée par d'innombrables contraintes, les arbres ne sont pas taillés, la religion et la psychanalyse font bon ménage, et on peut fumer dans les taxis !







C'est incroyable de savoir que je suis né ici, dans le très chic quartier de Recoleta, et de pouvoir enfin mettre des images sur un lieu resté pour moi si longtemps onirique. Un jour, Inès m'aide à concrétiser les choses. Elle m'emmène en pélerinage : à la maternité où j'ai vu le jour, à l'église où allaient mes parents et voir l'immeuble où ils habitaient. C'est soudain trouver sens à une part manquante de mon existence. C'est voir, comme une réparation, une réalité qui dépasse la poésie fanstasmée de mon origine. Je me réapproprie les bruits et les odeurs qui ont imprégné mes premiers instants sur Terre. Inès donnait alors des cours d'accouchement sans douleur à ma mère et c'est ainsi qu'elle sont devenues amies. Inversement, par la suite, ma mère à servie de prétexte au premier voyage d'Inès en France, pays dont elle est devenue une spécialiste reconnue et où deux de ses filles se sont mariées. Un lien ténu, pourtant infrangible, entre deux pays, deux cultures, deux femmes, et une seule providence. Aujourd'hui, dans cette promenade, elle aboutit son accompagnement pour moi et m'accorde : " Je suis ta presque-marraine ! "







Inès et Enrique sont un couple remarquable. Très francophiles, ils parlent mieux que quiconque la langue de Molière. Inès est professeur à l'Université, spécialiste de Dante, de Camus, du Moyen-Age et de culture française. Elle est aussi artiste, dessinatrice de grand talent. Enrique est ingénieur. Il a dirigé une grande entreprise et s'est investi dans les cabinets de différents ministres. Il est aussi Professeur de Philosophie à l'Université Catholique. Les soirs où nous dinons ensemble, nous avons des discussions passionantes.







Tous deux sont animés par une fervente foie chrétienne qui donne un sens réel à leur chemin de vie. Cela m'interroge sur la religion et je les accompagne à la messe. C'est incroyable de rencontrer des gens aussi riches intérieurement. Ils donnent envie de croire en la faculté de regénescence de la vie, en la possible pérénité du couple dans le temps. Inès et Enrique ont 9 enfants, Juan, Maria, Paz, Luz, Inès, Sofia, Bernardo, Miguel et Teresa, ainsi que 27 petits enfants ! Actuellement, leur fils Miguel vit quelques mois chez eux et leur petite fille Popi vient dormir là en semaine, pour être plus près de son université. Un jour, leurs enfants leur ont dit : " Vous nous avez apporté la foi et la liberté ! " Confiance et indépendance, quel meilleur témoignage de reconnaissance peuvent attendre des parents ? A l'occasion de l'anniversaire de leur fille Maria, je rencontre une bonne partie de la famille.







Comme chaque année, durant la Semaine Sainte, Inès et Enrique partent faire une retraite dans le monastère où ils sont oblats. Nous nous disons au revoir et ils s'en vont en me confiant leur maison. C'est une belle demeure centenaire, aux murs chargés d'histoire. La façade est noyée sous une abondante vigne vierge, l'escalier en bois grince un peu et les parquets sentent bon la cire et chaque matin la batisse se réveille en musique classique. J'ai l'impression de me trouver dans une vielle maison de famille française et ce refuge salutaire, sur ma route de nomade, me fait un bien fou. C'est l'endroit idéal pour me recentrer sur mes choix.







Depuis une dizaine de jours, le climat change. On sent l'automne s'installer. Il fait gris, frais et il se met à pleuvoir. Il est temps que je reprenne la route pour aller vers des terres plus septentrionales. A Pâques, le soleil brille à nouveau et je passe un dernier week-end délicieux. Le samedi, Teresa et son mari m'invitent dans leur club avec une de leur amie, Mariana. Le dimanche, je vais à la messe à l'Eglise de Las Victorias, où venait se recueillir ma mère avant ma naissance. Je vis cette célébration, chargée de symbole, comme une vraie renaissance. Je me promène ensuite tout l'après midi pour dire au revoir à Buenos-Aires que j'aime profondément. En repassant sur la Plaza de Mayo, où je suis arrivé deux mois plus tôt, j'ai un peu le sentiment que cette ville est un peu la mienne maintenant. J'y ai passé un mois et c'est ma plus longue escale depuis que j'ai quitté la France.







Aujourd'hui je prépare mon vélo, j'acharne ma monture car, c'est décidé, demain, je reprends la route. Je viens de relire Le Petit Prince et cela me redonne l'envie d'aller vers de nouvelles rencontres. Je réalise que voyager n'est pas un but en soi. Ce qui compte, c'est que le déplacement physique permet la mutation psychique. Même si le voyage est un déplacement plaisant, l'important est qu'il permet de voir ce qui reste dans le sac qu'on emporte avec soi. Demain, je prends la direction de Santiago du Chili mais je ne sais même pas encore quelle route je vais prendre. Pour la première fois de mon voyage, je n'ai pas de rendez-vous à l'horizon. Et, à vélo, j'aurai bien assez de temps pour me décider. Alors qui sait où me portera mon chemin ?




3 commentaires:

  1. Bonne route Jacques. Je lis ton blog passionnant et qui fait rever...
    BeA Coupery - Cumins

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  2. Nobody (tu te doutes;-)27 avril 2011 à 22:51

    Des racines ? Quand tu cherches sans jamais vraiment trouver le sens. Lorsque le sens s'impose, évident. Ouvre les yeux et plonge ton regard dans la beauté, espiègle, dissimulée dans ton rêve.

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  3. Merci à tous ceux qui me laissent des commentaires. Cela fait toujours plaisir. Par contre, je connais beaucoup de "nobody" alors signez vos messages comme j'assume mes textes !
    Jacques

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