Le
départ de Bangkok
Après quelques
mois de voyage, mode backpacker, en
Indonésie, Malaisie, Thaïlande, Laos et Cambodge, mon vélo commence à me
manquer sérieusement. Il est grand temps pour moi de retrouver ma monture, que
j'avais renvoyé en France en arrivant à Santiago du Chili en juin 2011.
Aujourd'hui, je compte revenir en Bretagne par ce merveilleux moyen de
transport.
Premiere
difficulté : affréter ma bicyclette sans que cela me coûte les yeux de la tête,
car tous les produits étrangers introduits en Thaïlande sont taxes de manière
rédhibitoire. Heureusement, grâce à une logistique hors-paire pour l'envoi
depuis la France et grâce à mes amis Thailandais Tumd et Makok, pour la
réception en Thaïlande, j'arrive à m'en sortir à moindre frais. Cela me prend
tout de même 10 heures de négociations et de démarches diverses dans une
cinquantaine de bureaux différents de la gigantissime zone fret de l’aéroport
de Bangkok !
Deuxième
difficulté : Pour la première fois de mon voyage, je dois envisager un
itinéraire et un planning, conciliables avec les demandes de visas préalables et
les saisons praticables. Compte tenu des frontières terrestres fermées
(Birmanie, Inde), des zones de restriction (Chine) et des pays devenus
infréquentables (Pakistan : 6 policiers tués alors qu'ils escortaient un
cyclo-randonneur en janvier dernier), le chemin qui s'impose est d'emprunter
l'une des Routes de la soie,
passant au sud du desert de Gobi. Depuis le nord du Laos, il s'agit de remonter
vers le nord afin de contourner le Tibet, puis de bifurquer a l'ouest pour
rejoindre l'Asie Centrale au niveau du Kazakhstan. C'est un bon petit détour
mais ce parcours à surtout l’inconvénient de traverser, un à un, tous les plis
et replis des contreforts himalayens... bref, de bons dénivelés quotidiens en
perspective !
Troisième
difficulté : aurais-je la capacité physique de faire cette route après presque
trois ans sans être monté sur un vélo ? Comme on ne peut pas avoir réponse à
tout, je laisse cette dernière question en suspend, en me disant : on verra
bien ! Ma seule réelle préparation est donc d'ordre psychologique, en me
régalant de l'admirable cuisine thaïlandaise, que ne cesse de me faire
découvrir Tumd, la voisine du magnifique appartement Okedok, que mon ami Tof a la
gentillesse de me prêter, au centre de Bangkok.
Quoiqu'il en soit,
la route du retour commence et j'estime dorénavant pouvoir réintégrer la "Mère Patrie" durant le printemps 2015 !
Reprise du vélo en Thaïlande
La veille de mon départ, une coïncidence veut que je retrouve un jeune cousin à moi, Timothée, qui s’apprête à faire la même route que moi en tandem ! Il compte partir un mois plus tard mais, jeunesse oblige, il devrait me rattrapper en chemin, sans doute en Asie Centrale. Après avoir baptisé ma bicyclette, qui n'avait pas encore de nom - Elle s'appelle dorénavant Cornelia - le jeudi 20 mars, je quitte Bangkok sous les bons auspices de ce premier jour du printemps. A peine suis-je remonté sur ma monture, qu'un plaisir immense m'envahit : voyager à vélo procure un vrai sentiment de liberté. Pourtant, la chaleur est accablante : 40 degrés à l'ombre et je roule 6 heures par jour sous un soleil de plomb. Je bois 7 litres d'eau par jour et je suis obligé de faire une pause toutes les heures pour éviter la surchauffe. Heureusement, le terrain est quasiment plat et, tout au long du chemin, il y a de délicieuses petites gargotes de cuisine thaï, ce qui me permet de reprendre quelques forces. Après 800 kilomètres en 9 jours de route, à travers l'Isan champêtre, je traverse enfin le Mékong et arrive à Vientiane, capitale du Laos.
PS : Pourquoi "Cornelia" ? Parce qu'elle a des cornes de Brava (vachette camarguaise d'origine espagnole), qu'elle est noire comme une corneille, que nous entretenons une relation cornélienne !
Nord du Laos et premières montagnes
Je
passe une semaine à Vientiane pour y faire ma demande de visa pour la Chine.
C'est sans doute la semaine la plus chaude de l'année ( peut-être de tout mon
voyage ! ) et les températures sont éprouvantes. Mais cette pause me fait du
bien et je reprends des forces dans les délicieux restaurants de
cette ville gastronomique. Puis, samedi 5 avril, Cornelia et moi reprenons
la route en direction du nord. La dernière nuit avant mon départ, éclate un monstrueux
orage, marquant les prémices de la saison des pluies. Depuis,
chaque nuit, il pleut un peu. Cela a l'avantage
de rafraîchir atmosphère matinale, avant que la chaleur
n'augmente tout au long de la journée. Mais comme j'attaque les
massifs montagneux,
les températures sont devenues supportables. Je ne bois
plus que 4 litres par jour. Ce qui est dur maintenant, ce sont les cotes ! Les
deux premiers jours, je traverse de belles petites collines mais, après Vang
Vieng, ou je ne m’arrête qu'une journée, je
traverse d’impressionnantes montagnes. Le plat n'existe plus,le dénivelé entre
Vang Vieng et Luang Prababang étant de
3000 mètres positifs et 3000 négatifs,
repartis sur 230 kilomètres. Trois
jours durant, je ne fais que monter ou descendre. Et parfois ces pentes durent
pendant 25 kilomètres ! Une ou deux fois par jour, je
gravis l’équivalent d'un Col du Lautaret, avant de redescendre
jusqu'au fond de vallée suivante. Démoralisant ! Mais le pire est que
ces pentes sont extrêmement raides car la route est une ancienne
piste bitumée, qui n'a pas été conçue avec un
pourcentage de dénivellation ordinaire. Le total de
mon équipage, moi compris, étant de 115 kilos, je ne
cache pas que c'est assez physique ! Cela
dit, malgré la brume, qui voile souvent les panoramas, les
paysages sont magnifiques. Cette Route 13 est mythique pour
les cyclistes, qui viennent du monde entier pour la parcourir. Sur la section
Vang Vieng - Luang Prabang, je rencontre un ou deux cyclo-randonneurs par jour,
la plupart d'entre eux ne faisant qu'un petit tour au Laos ou en Asie du
sud-est. Les Laotiens sont extrêmement chaleureux et ils
m'encouragent tout au long du chemin, en particulier les enfants, tout sourires.
Ils se précipitent dès qu'ils me voient pour me dire : sabaidii
! (bonjour ! ) et veulent tous me taper dans la main. Et puis,
la récompense d'une descente de 25 kilomètres de long fait
vite oublier les efforts fournis à la montée. Enfin Pi Mai (le
nouvel an laotien) commence dans quelques jours et les jeux d'eau associés à
cette fête n'ont pas attendu. Il s'agit d'asperger les autres pour
honorer le retour de la saison des pluies. Alors un farang (étranger)
qui, de surcroît, circule à vélo, c'est un peu la cible à mille
points. Toute la journée, je me prends donc des seaux d'eau dans la
figure, ce qui est bien marrant et bien rafraîchissant. Pi Mai étant particulièrement fêté dans
la région, je vais peut être m'acheter un pistolet à
eau pour pouvoir riposter.
Vendredi 11 avril, j'arrive à Luang
Prabang, où je retrouve la chaleur de
la vallée du Mékong. J'y reste quelques
jours afin de me reposer un peu, de visiter cette ancienne capitale du
Laos, très jolie, bien que très touristique, et surtout de
participer au Nouvel An Laotien, qui
est particulièrement fêté dans cette ville. Les
Laotiens, d'une nature habituellement réservée,
sont méconnaissables. Tous les jeunes viennent à
Luang Prabang pour fêter Pi Mai, qui se transforme ici en
une espèce de gigantesque carnaval de
rue. Déguisés, peinturlurés, enfarinés et passablement éméchés,
tout le monde se livre à une guerre d'eau généralisée, qui dure toute la
semaine du Nouvel An. Certains font le tour de la ville dans des pick-ups avec
de la musique électro à fond, d'autres arrêtent les
voitures en dansant dans la rue et tout le monde
est absolument trempé du matin au soir, ce qui est
très agréable par 40 degrés. Au milieu de celà passe des chars
des différentes tribus du Laos, celui de la nouvelle Miss Laos et
celui des moines bodhisattva en robes
oranges, qui organisent des
cérémonies particulières dans les temples.
Après ces jours de folie urbaine, je reprends
la route en direction de la Chine. La section suivante jusqu'à Udomxai
est particulièrement pénible car l'ancienne
route goudronnée est redevenue à l’état de piste en
piteux état et elle traverse des montagnes toujours aussi
difficiles. Et dire que ceci n'est qu'un aperitif de ce qui m'attend ! Je
flippe un peu pour la suite. Cette fois, il n'y a plus de touristes, ni de
cyclo-randonneurs. Les habitants des montagnes sont plus timides mais
je continue à me faire saluer à longueur de journée comme
une véritable pop-star. Souvent on m'offre à boire ou on m'invite à
partager un repas. Bref, j’enchaîne les moments de désespoir et
d'euphorie, ce qui, sans doute, ne va pas l'un sans l'autre.
Je ne suis plus qu'à
93 kilomètres de la frontière chinoise. Après le chaud, je
risque bientôt de rencontrer plus de fraîcheur dans les
montagnes à venir, avant certainement le froid, la neige, la glace... Brrr...
Si j'arrive à obtenir une prolongation de visa,
j'espère pouvoir rester deux mois en Chine et être en Asie Centrale à partir du
mois de juillet. D'ici là, ce me sera sans doute difficile de pouvoir donner
des nouvelles.
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