Jean-Baptiste est un important directeur d'une grande société de luxe et il semble ne jamais s'arrêter de travailler et d'être toujours en déplacement. Pauline, en plus des études qu'elle a reprises, assure toute la logistique domestique. Comparé à ma vie, leurs emplois du temps me semblent hallucinants. En dehors de heures de travail, le couple n'arrête jamais d'être occuper, déjeuners, diners, sport, sorties, week-ends... Les rares soirs où ils ne reçoivent pas chez eux, ils sont invités à l'extérieur. Pauline m'assure : "c'est spécial en ce moment". Je reste septique. L'avantage pour moi est que, sans quitter leur maison, je suis amené à rencontrer tout un tas de business-men influents, généralement accompagnés de leurs épouses, souvent au foyer. C'est passionant de voir ces vies si différentes de la mienne, d'essayer de comprendre ce qui peut motiver ces gens à avancer dans leurs projets. Les soirs où il ne se passe rien à la maison, mes amis m'enmènent avec eux dans leurs sorties. Un soir, nous dinons dans un restaurant avec un couple d'amis brésiliens, un autre, nous allons danser dans un bar loué par quelqun qui fête son anniversaire. Nous allons aussi diner chez Alex et Yann, un couple d'expat' qui habite un tri-pleix au dernier étage d'une tour d'où on peut comtempler toute la ville de haut. Manu Chao est de passage à Sao-Paulo ? Nous prenons illico des places pour aller le voir en concert ! Et pour me montrer toute la diversité de la vie nocturne locale, Jean-Baptiste m'enmènne aussi au Love-Story, le club le plus underground de la ville, qui offre un panel mémorable d'excentriques en tous genres.
Je reste dix jours chez mes amis et, malgré ce planing chargé, nous trouvons aussi le temps de nous retrouver pour avoir de longues conversations plus profondes. Je connais Jean-Baptiste depuis presque vingt ans, Pauline depuis qu'ils sont ensemble, et les choses sont simples entre nous. Nous nous retrouvons facilement pour nous confier intimement comme si nous nous étions quittés la veille. Aujourd'hui nos vies sont très différentes mais cela constitue une force qui nourrit notre relation. C'est sans doute cela, l'essence de la véritable amitié. Arrivé le moment des au-revoirs, il est difficile de nous quitter.
Avoir des amis différents de soi nécessite une acceptation de l'altérité. Je comprends que c'est aussi cela avancer vers la tolérance. Cela me questionne aussi. Je m'interroge sur les ressorts qui font le positionnement d'un individu au sein du groupe. Comme le dit Bourdieu (et me répète souvent mon ami Julien M.), nous sommes socialement prédestinés. Mais quelle part est laissée à l'individu ? Où se situe le libre arbitre? Je comprends aussi que quelque soit le niveau social des gens, on est tous face des épreuves de vie individuelles et que chacun a ses propres défits. Si la vie matérielle est clairement plus facile pour certains, cela n'a rien à voir avec le bonheur ou le malheur. Mais ces états dépendent uniquement de la capacité d'un individu, à un moment précis, d'apréhender une situation. Alors, à quel niveau se situe la nécessité ?
Je suis presque au terme de mon séjour dans ce merveilleux pays et, si je devais qualifier le Brésil en deux mots, je dirais : juvénil et sensuel. Que ce soit dans l'expression de la joie, de l'alégria comme on dit ici ; on se réjouit sans cesse, on fait de la musique, on danse, on joue, on rit, on s'embrasse, on se touche, on s'enlace, comme le font naturellement les enfants, sans arrières pensées ; on vit l'instant présent, on goûte aux joies simples qu'offrent les sens, le gout d'un fruit, une harmonie de couleur. Que ce soit au travers de la peur, périguso, périguso, les Brésiliens n'ont que ce mot à la bouche ; on a peur de tout, de l'hypothétique méchant, de la nuit, du loup, d'être seul quelque part, c'est presque une peur enfantine parfois. Que ce soit dans l'expression de la foie, on est prêt à croire à tout et à n'importe quoi, du moment que c'est beau ; naïvement, on aime à croire que la fable est vraie, et surtout on aime rêver. Comment ne pas être séduit, comment ne pas sucomber au charme de ce pays-continent ? C'est avec une grande tristesse que je vais bientôt devoir le quitter pour continuer mon chemin.
Avant que je reprenne la route, Jean-Baptiste porte mon vélo chez un très bon réparateur, conseillé par son ami Luis. Ma mère m'a fait parvenir, depuis la France, une nouvelle roue arrière, transportée par Fanny, une amie de Pauline. Mon vélo est remis à neuf et j'ai les larmes aux yeux de voir toutes ces personnes qui me soutiennent à leur façon de mon aventure. Et j'ai envie, ici, de remercier particulièrement ma mère, ma soeur et mon ami Max qui assurent souvent pour moi un arrière poste logistique en France. Sans eux, mon voyage serait plus difficile.
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