Après une nuit de bus pourri, j'arrive à La Paz. J'y suis le même jour que Leen (Lena) et Tomas rencontrés à Samaïpata, quelques semaines au par avant. Je les rejoins dans leur hotel. Ils sont avec Anna, une Italienne qu'ils ont connu en Patagonie, il y a quelques mois. Comme moi, Anna est venue en Amérique du Sud en voilier-stop et voyage pour une période indéterminée. Ma première impression de La Paz n'est pas très positive. En arrivant, je découvre une immense cuvette, cernée de montagnes, entièrement lotie, d'une façon qui semble, de prime abord, totalement anarchique. Les maisons en briques ne sont pas ravalées, ce qui donne à la ville un caratère d'inachèvement et de perpétuel chantier. Pour atteindre le centre, on a l'effrayante impression de s'enfoncer dans un immense chaudron, sans issue, grouillant, bruyant et pollué. Je pense ne pas rester plus de trois jours dans cette cité désagréable ! Anna, Lena, Tomas et moi souhaitons partir le plus rapidemment possible en trek et pourquoi pas aussi faire l'ascension d'un sommet bolivien...
Mais deux jours passent et Tomas tombe malade. Il a mangé un truc pas frais dans la rue et reste une dixaine de jours, sous anti-biotiques, patraque dans sa chambre. Ensuite, alors que Tomas se rétablit, Anna, qui travaille à distance sur internet, est à son tour bloquée quelques jours par des problèmes professionnels à régler. Moralité, le temps s'écoule et l'inaction de groupe prend le dessus. Difficile de s'organiser. Mais, en définitive, cela ne me déplait pas car plus je reste à La Paz, plus je tombe sous le charme discret de cette ville tentaculaire. Peu à peu, je commence à adorer tout ce qui, à première vue, me déplaisait. Je perçois maintenant l'urbanisme sauvage de cette cité comme un espace de liberté. Et puis, cela me fait du bien de me poser un peu. Au fil des jours passés à l'hotel Jach'a Inti, je me sens, petit à petit, chez moi et je prends mes habitudes dans ma superbe suite-placard en photo ci-dessous : 5 m2 et 1.5 euros la nuit ! De leurs côtés, Lena et Tomas s'approprient la terrasse juxtant leur chambre. Elle devient le point de ralliement incontournable du soir, avant d'aller diner au Pot Colonial, notre cantine préférée, ou de sortir en club. Le temps passe et nous restons finalement un mois dans la capitale bolivienne et ses alentours ! Mais il y a tellement de choses à faire dans le coin... Bref, à La Paz, c'est la PaUz.
(photo Tomas Van de Wiel)
Dans l'hotel voisin du mien, je rencontre un petit groupe de Francais bien sympa et bien fêtard. Il y a Nicolas, photographe et révolutionnaire, qui fait un tour du monde pendant un an. Eric , lui, fait son premier grand voyage en solitaire et se réjouit de chaque instant. En France, il est saisonnier, il fait du son et habite en camion. Il a un vrai esprit punk. Felix est Espagnol. Il voyage en travaillant en tant qu'artesano. Juliette et Maud sont deux copines venues faire un stage en Amérique du Sud et elles en profitent pour visiter différents pays. Laura se ballade seule, quelques mois, au grés de ses envies. Luiss et Yohan sont de passage quelques jours. Anaïs et Fabian, un couple franco-colombien, eux, au contraire, vivent dans notre hotel durant quatre mois, car Anais travaille ici pour l'Unesco. Souvent le soir, on se prépare à manger tous ensemble dans la cuisine communautaire de l'une de nos deux auberges. Eric nous fait découvrir ses talents de cuisto hors paire.
(photo Tomas Van de Wiel)
Pour comprendre La Paz, il faut aller au marché de l'Alto....
pour voir la ville de haut...
et jouer avec eux á qui prendra l'autre en photo.
Un autre jour, avec les copains, je pars faire la Rota de la Muerte à vélo. Cette route, en épingle à cheveux, sur une corniche à flanc de falaise, relie Coroïco à La Paz. Elle est considérée comme l'une des plus dangereuses du monde, car elle compte près de 300 morts par an ! A vélo, c'est une longue descente d'une cinquantaine de kilomètres et de plus de 3500 mètres de dénivelés. Le jeu consiste, durant les quatre heures de descente, à freiner le moins possible, en évitant de rater un virage. Ca fait un peu " grand tour de manège " mais, entre potes, c'est bien marrant. Et, en fin d'après-midi, c'est un vrai bonheur que d'arriver dans la douceur de ce fond de vallée des Yungas et de farnienter, torse nu, au bord de la piscine.
Une autre fois, nous partons prés du lac Titicaca, visiter le temple de Tiwanaku, centre de la société du même nom, qui connut son apogée en l'an mille de notre ère. Bien que peu spectaculaire, le site a l'intérêt de nous faire comprendre l'importante influence que cette civilisation a eu sur l'Empire Inca, qui émergea seulement quatre siécles plus tard.
Je profite aussi de mes journées sédentaires à La Paz pour prendre quelques cours d'Espagnol, histoire de pouvoir communiquer autrement qu'au présent de l'indicatif. En seulement huit heures de cours particuliers, Milka, mon excellent professeur, me permet de faire de réels progrès. Gracias amiga !
(photo Leen Roels)
Mais la Bolivie est aussi le pays au monde oú il y a le plus de jours fériés. Il y a 54 fétes officielles au calendrier, soit plus d'une par semaine ! La fiesta commence généralement en journée par des défilés musicaux et colorés, trés organisés et trés kitchs. Le soir, la boisson aidant, les gens se lachent plus, deviennant trés cordiaux, et la féte prend un ton plus spontané. Il est fréquent alors de finir la soirée dans une peña (boite de nuit de musique traditionelle) avec quelques Boliviens rencontrés une heure avant dans la rue.
Outre les peñas, á La Paz, il y a toutes sortes de clubs, plus ou moins pour gringos. Résultat, je sors presque tous les soirs avec mes nouveaux camarades. Nous écumons entre autres lieux, les fameux Blue, Loki, Underground et autres... Les nuits de La Paz ne sont pas tristes. C'est, je crois, la seule ville au monde, oú les taxis-de-nuit vous propose d'acheter de la c !
A l'exception des soirées arrosées, les Boliviens sont plutot de nature réservée, voire timide. Parfois, il ne faut pas hésiter á briser la glace. Avant que je n'arrive en Bolivie, on m'avait mis en garde contre les dangers, les vols... J'ai passé plus de deux mois dans le pays et je n'ai croisé que des personnes d'une remarquable honneteté. On m'a couru aprés dans la rue pour me rendre un billet de 100 bolivianos. On a rapporté á un ami son appareil photo qui était tombé de sa poche en boite de nuit. J'ai vu une dame faire le tour d'un restaurant pour touver le propriétaire d'un objet perdu.
La Bolivie est le pays le plus indien d'Amérique du Sud et, ici, tous les codes sont différents de ceux du monde occidental. On a l'impression que le pays s'est construit entre tradition et révolution. L'activité mercantile ne semble pas etre le premier soucis des gens. Satifaire aux exigences des traditions est bien plus important. Une vendeuse peut vous dire qu'elle n'a plus un produit car elle ne veut pas aller le chercher dans son arriére boutique. Mais le lendemain, elle pourra attendre une journée entiére, debout dans le froid ou dans une voiture surchauffée par un soleil de plomb, pour recevoir quelques goutte d'eau bénite, ou tout autre talissement protecteur. Les offrandes á la Pachama se vendent á tous les coins de rue, ainsi que les foetus de lamas, qu'il est indispensable d'enterrer sous les fondations de chaque maison ! Quand je vois la densité de constructions á la Paz, je me demande comment l'espéce n'est pas déjá en voie d'extinction !
A coté de ces ex-votos, sur les murs de la ville, plane encore le profil du Che Guevara. Ce dernier a été exécuté en 1967 á La Higuera, au sud est de Santa Cruz. Aujourd'hui sa célébre photo, prise par Alberto Korda, est imprimée partout dans le pays, sur tous les supports imaginables. Elle est devenue un symbole de révolution et de liberté, dans une société bolivienne qui cherche sa voie au fil des générations qui se succédent.
Moi, á deffaut d'etre au fait des soubressauts révolutionnaires européens, du haut de ma terrasse lapazienne, je lis : " L'insurrection qui vient ", signé du Comité Invisible, lecture que je recommande á tous, par les temps qui courrent.
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