Près de Villa-Mercedes, alors que je roule sur une voie latérale de la rota 7, je me fais arrêter par le conducteur d'un vieux pick-up Ford : " Bonjour, je vais aider une association qui prépare à manger à des enfants d'un quartier pauvre, pas loin d'ici. Si cela t'intéresse de venir voir, suis moi ! " Je regarde le type dans le fond des yeux et il me semble honnête, alors je le suis sur une piste en terre, qui dessert le barrio Ciudad-Jardin, un quartier qui tient plus du bidonville que du lotissement. L'homme, s'appelle Julio-Cesar ! Il est concessionaire automobile et s'investit dans l'association Comedor Ciudad Jardin, fondé il y a quelques années par Mabel, autour de sa propre maison. L'action de cette femme est remarquable. Elle est arrivée à mobiliser une trentaine de personnes qui viennent, à tour de rôle, offrir, préparer et servir, trois fois par semaine, des repas à une centaine d'enfants de son quartier. La plupart des bénévoles sont des habitants de Villa-Mercedes mais certains viennent de loin, de Buenos-Aires par exemple, pour passer une journée sur place.
Naturellement, je propose aussi mon aide et donne un coup de main aux personnes présentes. Ce jour là, il n'y a quasiment que des femmes et elles me font un accueil plus que chaleureux. On rigole bien. Nati, une jeune avocate, m'adopte officiellement comme son novio de Paris. Les enfants, quant à eux, sont aux anges et me font la fête. Un Français qui passe leur rendre visite à vélo, c'est bien la première fois. Alors je sors mes cartes et leur explique mon voyage. Puis je leur fais faire un tour, quatre à la fois, sur mon vélo. Je suis l'attraction du jour ! Julio me propose de m'héberger et je reste finalement quatre jours à Villa-Mercedes, aidant un peu au Comedor et partageant la vie de mes nouveaux amis.
Je fais la connaissance de deux de ses frères, Javier et Deivi. Javier est journaliste et fondateur d'un journal mensuel local, El Otro Diario, dans lequel je vais écrire un article qui paraitra le mois prochain. Les après-midi, nous allons au campo, un terrain familial, à quelques kilomètres de Villa-Mercedes, où Julio et ses frères sont en train de se construire une maison de campagne. Avec Luciano, le photographe du journal, on s'amuse à faire des photos un peu délire. Chaque soir je suis invité par quelqu'un de différent, un asado chez Mariana, un plat traditionnel mijoté par Ermando, un diner chez Claudia. A chaque fois, l'ambiance est très marrante. On chante des ritournelles, on récite des poèmes grivois et on raconte des histoires cochonnes.
Le samedi soir, la petite bande m'emmène aussi dans la boite branchée de la ville, un silo à grains, superbement réhabilité de manière très design, par un ami architecte de Nati. Julio dit à tout le monde que je suis son cousin de France, venu lui rendre visite à vélo. Ici, " accueil " et " solidarité " veulent encore dire quelque chose. Ermando, le voisin du campo, m'explique : " Tu es chez les vrais Gauchos. Nous, quand on apprécie quelqu'un, on l'adopte et il fait partie de la famille pour toujours. Où que tu sois en pays gaucho, il ne pourra rien t'arriver, si tu as un problème, tu nous appelles et nous trouverons une solution pour t'aider. "
La veille de mon départ, à mon insue, Julio a contacté des journalistes et je me retrouve à devoir répondre, en Castillano, à un interview pour la télévision locale ! Bon, il parait que j'étais compréhensible... Elle est passée le lundi 9 mai, à la fin du journal du soir sur TVEO, la chaine de la ville, apparement très regardée ici. Moi, je ne me suis même pas vu, car au même moment, Javier m'avait organisé un rendez-vous avec Christine, la directrice de l'Alliance Française locale ! Mais, quand je suis sorti en ville pour acheter un nouveau ballon de foot aux gosses du Comedor, c'était assez comique, je rencontrais des gens qui me disaient : " C'est toi qui voyage à vélo ? On t'a vu à la télé ! " Du coup, j'ai pu négocier un bon prix pour le ballon.
Mais l'hiver arrive et je me sens déjà bien en retard dans la saison pour pouvoir franchir les Andes. Alors, le lendemain, malgré la tristesse que j'éprouve à devoir quitter mes amis, je reprends ma bonne vieille rota 7. En fait, cette dernière, après Villa Mercedes, s'est transformée en belle autoroute : une deux fois deux voies, avec de magnifiques bandes d'arrêt d'urgence, où je peux rouler en toute sécurité. Le pied ! Quand je roulais, il y a 10 mois de cela, sur mes petites départementales françaises désertes, je n'aurais jamais pu penser qu'un jour j'allais prendre autant de plaisir à fréquenter une autoroute à vélo ! Le paysage défile et je ne mets que quatre jours à atteindre Mendoza.
Si vous souhaitez aider, d'une manière ou d'une autre, l'action de Mabel et son association, Comedor Ciudad Jardin, à titre indicatif, la préparation d'un repas pour une centaine d'enfants revient à environ 100 euros. Vous pouvez rentrer en contact avec elle :
ciudadjardincomedor@hotmail.com.ar
Cette semaine les photos sont celles de Luciano Amaya, ci-dessus, j'ai perdu les miennes !
Encore un beau post ! Les photos de Luciano sont super !
RépondreSupprimerStanko