Après 18 heures de bus, Jérôme, Pascal et moi arrivons enfin à Puerto Madryn, la ville la plus proche de la Pénisule-de-Valdès. De prime abord, ce temps de parcours en collectivo peut sembler totalement déraisonnable pour un Français mais, en Argentine, la plupart des gens voyagent ainsi et finallement on s'y fait assez rapidement. En couchette semi-alongée ce n'est pas si désagréable.
Nous traversons ainsi la Pampa avant d'atteindre le nord de la Patagonie orientale. A partir de là, sur plusieurs milliers de kilomètres, jusqu'à Ushuaïa, le paysage semble irrémédiablement le même, une grande steppe plate à l'infini, quasiment désertique, parsemée de petits végétaux rabougris qui résistent courageusement aux rudesses du climat. Mais cette désolation apparente est de toute beauté. Elle porte à une infinie quiétude. Ce n'est qu'après quelques heures d'acoutumance que le regard peut commencer à distinguer les nuances subtiles de cette géographie particulière. Le ciel en est son miroir. Il lui donne toute son essence. Et quel ciel ! Je n'en ai jamais vu de plus beaux sur la terre ferme. Seule la haute mer peut offrir un tel spectacle. La Patagonie est un océan terrestre. Toujours le même et, pourtant, à chaque instant différent. Ce paysage est une alégorie du corps en vie, dont l'identité se maintient malgrés les perpétuelles et invisibles mutations qui l'assaillent.
Arrivés à Puerto Madryn, nous louons une voiture pour passer trois jours sur la péninsule sans devoir être tributaire des escursions officielles qui n'offrent souvent qu'un intérêt limité. Ici, nous sommes dans les pas de Saint-Exupéry. A l'entrée du parc naturel, nous passons devant la Isla-de-Los-Parajos, l'île aux oiseaux, qui a inspiré l'auteur pour son dessin du boa qui a mangé un éléphant... mais il faut vraiment faire preuve d'imagination !
Le soir nous campons sur la plage de Pardelas. C'est notre première nuit de camping sauvage avec Jérôme et nous fêtons dignement l'événement. On se fait un beau feu de camp, on ouvre une bouteille de whisky et on met de la musique. On finit en dansant tous les trois, tribalement autour du feu, avant d'aller prendre un bain de minuit, à poils dans la mer à 10 degrés ! Un grand moment ! On est heureux d'être là ensemble et on commence à se dire qu'on va bien se marrer dans les semaines à venir. Comme le répète Pascal à longueur de journée : " Quoiqu'il arrive, ça va bien se passer ! "
Le lendemain matin, trois manchots viennent sur notre plage, se rechauffer aux premiers rayons du soleil. Ils ne sont pas du tout craintifs et nous les observons longuement, à seulement quelques mètres de distance.
Après quoi, nous partons faire le tour de toute la péninsule en voiture. Les pistes sont caillouteuse et nous faisons un acro au pare-brise. Mais il n'y a pas trop de circulation et mes amis me laisse conduire un peu. Les paysages sont lunaires, les côtes escarpées et les eaux cristalines.
Nous voyons de nombreux lions de mers à Punta Norte et quelques élephants de mer à Punta Bajos. Ce n'est pas la meilleure période de l'année pour voir un maximum d'animaux marins. Il est trop tard dans la saison pour voir les baleines et les orques mais, qu'importe, il fait encore très beau et le paysage nous ravit.
Nous allons ensuite 200 kilomètres plus au sud, voir la Punta Tumbo où se trouve la plus grande colonie de manchot du continent. Bien que les chemins d'accès soient très balisés, le site vaut vraiment de le coup.
Au moment de reprendre la voiture, nous nous appercevons que nous avons un pneu crevé et que la roue de secours est dans un état déplorable. Nous faisons la route du retour à 40 kms/heure et sommes obligés de passer la nuit à Trelew, une petite ville provinciale perdue au milieu de nulle part. L'ambiance y est on ne peut plus kitch. Nous échouons fatigués dans l'un des trois hôtels de la ville. Il s'agit du Touring-Club-Hotel, une auberge aux murs chargés d'histoire. Antoine de Saint-Exupéry et Butch Cassidy, le fameux brigand, y ont séjourné en leurs temps.
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