Description

Mais aussi avec bien d'autres moyens de transport parfois des plus surprenants... Le 1er juillet 2010, je pars de Bretagne à vélo. Arrivé au Maroc, je traverse l'océan Atlantique en voilier-stop. Je passe ensuite un an et demi en Amérique du sud. Puis d'avril 2012 à septembre 2013, je traverse l'océan Pacifique en voilier. Enfin, en mars 2014, je reprends le vélo pour rentrer en France depuis Bangkok, en suivant la route de la soie à travers la Chine et l'Asie Centrale...

lundi 3 janvier 2011

Salvador aux multiples visages



Salvador fut, avant Rio de Janeiro, la première capitale du Brésil. Elle est aujourd'hui la capitale de l'Etat de Bahia. Peuplée par une majorité de descendants d'esclaves, c'est la ville du Brésil où les rites et les traditions d'origines africaines sont les plus présents. Salvador fut qualifiée de "Rome Noire" mais aujourd'hui les anciennes églises catholiques du Pelourinho sont plus remplies de curieux que de fidèles. Elles n'ont plus que leur or pour témoigner de leur glorieux passé. Elles ont souvent été suplantées par toutes une gamme d'églises évangéliques, aux noms plus prometteurs qu'imaginatifs. Quant aux candomblés, certains sont maintenant organisés pour impressioner des touristes en quête d'émotions contre quelques reais. Tout se perd, sauf la musique et la capoeira, deux domaines d'expression toujours en pleine effervescence dans les rues du Pelourinho. Ce quartier historique, par sa topographie, son architecture et son ambiance, me rappelle un peu Olinda, en plus touristique et plus impersonnel. Je retrouve des maisons peintes de toutes les couleurs, des concerts, des fêtards, des artistes et des artesãos, des exhibitions de capoeira ou de break-dance. La vie se passe dans la rue et les cafés, espaces d'expression d'un théâtre au spectacle permanent.



Le jour déboulent des hordes de touristes qui sont le gibier quotidien attendu par des Bahiannaises au folklore de pacotille, des refourgueurs de bracelets de la Basilique do Senhor do Bonfim et autres prédateurs du genre. Autrefois les Bahiannaises qui portaient le costume traditionnel avaient le privilège de pouvoir vendre, où elles voulaient dans la rue, de délicieux beignets de crevettes. Aujourd'hui certaines continuent l'activité, mais beaucoup se vendent en photo ou servent d'hotesses d'accueil pour attirer le chalant dans des boutiques à l'art douteux. Tout ce manège a lieu sous une étroite surveillance policière, censée rassurer le visiteur inquiet de se trouver au coeur de ce pays si dangereux.





Après le coucher du soleil derrière l'Elevador Lacerda, une autre Salvador se réveille. La nuit est tombée sur la Baie de Tous les Saints et le Pelourinho change de visage. Les touristes les plus génants ont regagné leurs hotels ou leurs bus et ceux qui restent se dissolvent dans la population salvadorienne. A partir de 19H00, la ville est en fête. Chaque soir offre une occasion différente d'aller écouter quelques concerts, de suivre une batoucade, de danser dans les rues et de boire de la Skol, la fameuse bière brésiliene. Chaque mardi soir est particulièrement animé. Dans certaines rues, la foule est si dense que les gens sont collés les uns aux autres pour ne former qu'un seul corps vibrant à l'unisson. La population, à 90% noire, revêt des styles très hétéroclytes. Le point commun qui domine est peut-être une certaine beauté sensuelle des gens dans la rue. Salvador est sans doute une des villes du Brésil qui compte le plus grand nombre de belles filles. Dans la transe collective, il vaut mieux avoir les poches vides. Ici, c'est une règle en ville le soir. Pour ma part, je me suis fais piquer la seule chose que je portais sur moi : mon carnet de note ! Heureusement, il ne concernait que ces derniers jours de voyage, comme si Salvador ne voulait pas que je divulgue tous ses secrets.




Après minuit, la comédie prend des accents plus tragiques. La police va se coucher et une autre faune se lève. Les rues désertées deviennent les lieux de tous les trafics : drogue, prostitution, pédophilie, agressions... " Cuidado ! Perigoso ! " comme disent les Brésiliens, rentre vite chez toi honnête homme! En fait, à part certaines favélas peu fréquentables, le Brésil n'est pas dangereux. Mais les Brésiliens sont persuadés du contraire. Soumis quotidiennement à une télévison qui fait du sensationel bon marché, en passant en boucle des scènes de violence, les Brésiliens sont limites traumatisés. Ils ont maintenant pris l'habitude de se barricader chez eux ou de ne pas répondre si on leur adresse la parole le soir dans une rue sombre. Personnellement cela me fait plus penser à un atavisme social. La télé a remplacé le pilori. Autrefois on fouettait les esclaves sur la place publique pour donner l'exemple, maintenant on exhibe des crimes sur le petit écran. Maintenir un sentiment de peur et d'insécurité au sein d'une population a toujours été un moyen de l'asservir.
Malgré les sentiments ambivalents que j'éprouve sur Salvador, la ville a su me séduire assez pour que j'y reste une semaine. J'ai mon vélo à réparer, j'ai besoin de repos, je veux finir de réaliser ce blog et je suis sans doute heureux de retrouver un peu d'urbanité. En laissant mon vélo dans ma chambre d'hôtel, je redeviens un touriste lambda. Je suis content de retrouver un peu d'anonymat, même si je ne peux empêcher quelques voisins de faire irruption dans ma chambre pour me prendre en photo. Apparement un cyclo-randonneur s'est récemment fait médiatiser et tous ceux qui l'ont vu à la télé me prennent pour une star qu'ils veulent photographier. " Vu à la télé ! ", au Brésil, c'est LA référence suprême.



Quand je passe une semaine au même endroit, je m'intègre finalement assez vite à la vie de la cité et c'est vraiment une sensation agréable. Je repère le rythme ambiant et je l'intègre peu à peu. Les racoleurs de tous poils m'ont repéré et ne m'importunent plus. Dans le Pelourinho, j'ai trouvé une petite pension dirigée, de main de maître, par un papi au fort caractère et à l'oeil taquin. Je suis connu de tous ses employés et je me sens presque en famille. Chaque matin, je pars travailler. C'est à dire que je vais passer la journée dans un cyber-café pour rédiger l'historique de mon voyage, qui constitue, peu à peu, ce blog. Ce travail marque un moment particulier depuis que je suis parti. C'est une tache un peu paradoxale de se souvenir d'une partie passée, en étant encore dans le présent de l'aventure. Pour partager ce que je vis, j'arrête un instant de vivre le voyage. D'une certaine façon, je prends une distance nécessaire par rapport à ce que je vis, pour l'intégrer et le comprendre. D'un autre côté, je cesse un moment le voyage et je ne suis plus porté par l'énergie qu'il procure. Pour décompresser un peu de l'écran, le soir, je sors écouter quelques concerts. Je rencontre beaucoup de Français qui aadooorent cette ville. Je croise aussi quelques Argentins qui me donnent une image bien sympatique de leur pays qu'il me tarde de découvrir. Et pour la première fois, les Brésiliens que je rencontre ne me prennent plus pour un Hollandais, mais me demande si je suis Argentin, ce qui me fait bien plaisir !




Concernant mon vélo, c'est une vraie galère. Trouver une boutique cycliste dans cette ville est plus difficile que dans tous les petits bleds que j'ai traversé jusqu'à maintenant. Les collines de Salvador doivent dissuader les gens de faire du vélo. Après examen, je me rends à l'évidence : je dois changer de roue. Apparemment celle que j'ai a un défaut de fabrication. Une nouvelle sera achetée par ma mère et me sera ensuite acheminée à São Paulo par Fanny, une amie de Pauline et Jean-Baptiste, chez qui je suis attendu. En attendant il me faut trouver une roue, pas cher ou d'occasion. De faux renseignements, en informations erronées, je me retrouve à faire le tour de toute la mégapole, traversant dans des bus roulant à toute berzingue les faubourgs tentaculaires de Salvador, franchissant à pied des passerelles fourmilièsques au dessus de noeuds routiers futuristes, me perdant dans des Shopping Centers frigorifiés et grands comme des villes. Loin du Pelourinho, je vois la vraie vie des gens, un autre visage de Salvador, loin des clichés. Richesse et pauvreté se croisent sans complexe, portés par une même énergie, cette force de vie incroyable qui anime ce pays juvénil. Illusion ou réalité, ici, chacun a l'espoir que tout est possible. Quand on voyage, on est plus en train de consommer des vacances. On gère un quotidien de vie, avec parfois ses difficultés. On est forcément souvent hors des sentiers battus et c'est également l'intérêt de ce genre de voyage, découvrir les pays autrement.


Comme toujours, chaque jour, je me dis que je pars demain, avant de trouver une bonne raison de rester un jour de plus. Mais cette fois-ci, pour sûr, je reprends la route demain...

2 commentaires:

  1. Salvador de bahia, j'avais trop aimé, on avait pris des cours de capoiera et de batoucada, c'est une ville superbe. Tu vis trop une aventure de ouf, j'avoue je ne viens pas souvent sur ton blog mais de temps en temps quand je suis en attente de vacances que mon sac à dos est au bord de la crise de nerf car il n'en peut plus d'etre enfermé je viens faire un p'tit tour histoire de voyager un peu. Je n'ai vu et lu qu'une infime partie de ton récit tellement c dense. Profite et prend quand meme soin de toi.
    Je vais pas me plaindre j'ai passé 15 jours à Rome.
    Ouai je sais c beaucoup moins exotique, mais j'adore cette ville.
    à +
    Sophie (la cousine des soufflard si tu te souviens pas)

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