Description

Mais aussi avec bien d'autres moyens de transport parfois des plus surprenants... Le 1er juillet 2010, je pars de Bretagne à vélo. Arrivé au Maroc, je traverse l'océan Atlantique en voilier-stop. Je passe ensuite un an et demi en Amérique du sud. Puis d'avril 2012 à septembre 2013, je traverse l'océan Pacifique en voilier. Enfin, en mars 2014, je reprends le vélo pour rentrer en France depuis Bangkok, en suivant la route de la soie à travers la Chine et l'Asie Centrale...

mardi 2 septembre 2014

Accueillant Ouzbekistan et flippant Turkménistan

Après une dernière traversée des Tian Shan (deux cols à 3590 et 3200 mètres d'altitude), le 14 août, Pascal et moi arrivons en Ouzbékistan par la vallée du Fergana. Peu d'étrangers se rendent dans cette région et nous ne croisons plus aucun voyageur à vélo. La chaleur de l'accueil est difficilement descriptible. Tous les passants nous saluent, les automobilistes nous interpellent et, lorsque nous nous arrêtons cinq minutes, l’attroupement se transforme parfois en véritable émeute. Le temps que j'aille au bazar changer un billet de 100 dollars contre une liasse de 300 billets de 1000 soums (la plus grosse coupure du pays, qui correspond  à 25 centimes d'euros ), je retrouve Pascal au milieu d'une foule d'une centaine de personnes. Cela nous vaut une interpellation policière pour trouble à l'ordre public !

Les photos de cet article sont presque toutes de Pascal Lachance
Dernière descente et arrêt de trois minutes à un carrefour...

Nous quittons la vallée du Fergana en franchissant un dernier petit col à 2360 mètres, laissant derrière nous les difficiles pentes montagneuses pour nous attaquer à la chaleur caniculaire des steppes et des déserts... Arrivés à Tachkent, la capitale du pays, nous faisons nos demandes de visas pour traverser le Turkménistan. Ce dernier sésame s’avère plus simple à obtenir que les précédents. Après seulement deux jours de démarches, nous pouvons repartir le cœur léger de nous savoir enfin définitivement sortis de toutes ces fastidieuses démarches administratives jusqu'à  la fin de nos voyages respectifs.

Le Nième melon de la journée que l'on nous offre !

De Tachkent à Samarcande, nous empruntons de petites routes traversant des zones semi-désertiques, qu'une irrigation intensive transforme par endroit en îlots de verdure, principalement dédiés à la monoculture du coton. Le terrain est plat mais les températures sont de plus en plus élevées : jusqu'à 42° C à l'ombre et 52° C à l'aplomb du soleil sous lequel nous roulons. Tout au long de la route, toutes les personnes que nous croisons, à pied comme en voiture, nous encouragent, nous demandant d'où nous venons : " Adgouda ?". Et tout au long de la journée, on nous offre à boire et à manger, le soir on nous propose de nous héberger. Comme dit Pascal avec son accent québécois inimitable : " Caliste de tabernacle, ça pas d'bon sens comme c'est intense ! "... voir fatigant, car les questions, auxquelles nous devons répondre une centaine de fois par jour, sont toujours exactement les mêmes, au point que, las, parfois nous nous mettons à répondre n'importe quoi pour voir la différence de réaction de nos interlocuteurs. Mais une chose est sûre, l’Ouzbékistan fait partie du Top 3 des pays les plus accueillants de mon voyage.

Campement champêtre et arrivée à Samarcande

Le 25 août, nous arrivons finalement à Samarcande, ville mythique de la route de la Soie. A mi-chemin entre Xian et Istambul, elle marque aussi la moitié de mon chemin entre Bangkok et Paris. Malheureusement la ville photographiée par Ella Maillard a disparu. Les ruines des medersas et des mausolées timurides ont été reconstruites " à l'identique ", avant que les derniers travaux " d'embellissements " ne finissent d’aseptiser la vieille ville, qui prend aujourd'hui des allures de musée dedié à la consommation touristique. Les bâtiments de l’époque de Tamerlan et de son petit-fils Ulug Beg sont, bien sûr, splendides, mais leurs âmes se sont à jamais envolées.





Pascal et moi poursuivons ensuite notre route en direction du sud-ouest. En chemin, des fermiers nous hébergent. On nous invite à une cérémonie de mariage. Le troisième jour, nous traversons la partie sud-orientale du désert Kyzylkoum, le fameux désert des sables rouges. Les températures sont caniculaires mais un fort vent de dos nous pousse à 40 km/heure.



Et dans le désert nous avons été attaqués par la bestiole ci-dessous (environ 9 centimètres). Et elle nous a carrément poursuivie avec ses crocs vénimeux en avant ! Par la suite nous avons appris c'était une inoffensive solifuge qui recherchait simplement nos ombres portées.



Le 1er septembre, nous arrivons à Boukhara, cité d'Avicenne, au carrefour de la route de la soie. Bien que touristique, le centre ville, propret, a été relativement bien restauré. A la différence de Samarcande, les antiques ruelles ont été préservées, ce qui prête mieux à imaginer l'age d'or de cette ville, quand des marchandises de toutes sortes passaient d'une caravane de chameau à une autre. Parcourir la route de la soıe à vélo est le meilleur moyen de la découvrir. En confrontation directe avec sa géographie variée, nous évaluons chaque jour davantage l'épreuve que devait être, il y a plus de mille ans, le voyage périlleux sur cette route commerciale mythique reliant l'Orient à l'Occident.

Ci-dessus la mosquée et le minaret Kalon.
Ci-dessous le magnifique petit mausolée d'Ismael Samani,
construit avec un seul model identique de brique non découpées.
Mais le plus beau. sur cette route, ce sont les gens...
A dos d'âne ou cueillant le coton, tous nous saluent.
Et nous ouvrent les portes de leurs maisons.

Pour le Turkménistan, nous n'avons qu'un visa de transit de 5 jours. Cela est juste assez pour traverser ce pays désertique du nord au sud en pédalant comme des malades. Mais Pascal et moi avons envie d'avoir un peu le temps de voir autre chose que le sable de ce beau pays. C'est ainsi que nous décidons de prendre le train. En chemin nous nous arrêtons visiter le site archéologique de Merve, une ancienne étape incontournable de la route de la soie, entièrement rasée de la carte par Gengis Khan. Puis nous nous rendons dans la capitale : Achgabat, une ville bien plus belle que Paris nous avait-on averti a l'Ambassade ! En effet, difficile de décrire en peu de mots ce lieu surnaturel. Tous ses bâtiments sont exclusivement revêtus de marbre blanc, devant lesquels posent triomphalement des statues en or de l'ancien dictateur, celui-la même qui interdisait que l'on fume dehors mais pas dedans  (!) ou bien qu'on écoute de la musique dans sa voiture (???). Au beau milieu du désert, les nombreux espaces verts d'Achgabat sont outrageusement agrémentés d'un nombre incalculable de fontaines. Et ses grandes avenues sont en permanence lavées par des centaines de balayeurs, à tel point que même le bitume brille ! Elles sont parcourues par quelques voitures, blanches pour la plupart et toutes voitures revêtues d'un petit peu de poussière à la sortie du désert reçoit illico une amende. Tout ça et pourtant, dans les rues, il n'y a absolument personne... à part un policier positionné tous les trente mètres, sifflet dans une main et talkie-walky dans l'autre, prêt à bondir sur le moindre contrevenant. Mais il n'a pas grand chose à faire, vu que les rues sont vides. Achgabat : entre Pyongyang et Las-Vegas un jour de fermeture, on se croirait dans un décor de théâtre avant la levée du rideau, ou bien encore dans la série télévisée des années soixante, Le Prisonnier et on a juste envie de crier : " Non, je ne ne suis pas un numéro, je suis un homme ! "

Je n'ai pas de photos d'Achgabat car c'est interdit d'en prendre,
alors je finirai cet article par des images plus douces d'Ouzbékistan :



lundi 4 août 2014

Les montagnes du Kirghizstan



Le 19 juin, je rentre au Kirghistan, à vélo depuis Kashgar (sauf 140 kilomètres de Ullugat à la frontière, car les douaniers chinois imposent aux cyclistes de prendre un transport motorisé sur cette section). La traversée de la cordillère des Tian Shan, surnommés les Monts Célestes, par le col de l'Irkesham, est d'une incroyable beauté. Ici la route de la soie a la taille d'une départementale. Elle longe le massif du Pamir, surnommé le Toit du Monde, en se faufilant entre des cimes enneigées qui dépassent les 7000 mètres d'altitude.

La chaîne des Tian Shan, marquant la frontière avec la Chine, occupe un tiers du Kirghizstan.
Première nuit aux pieds des Pamirs...
et redescente vers Osh, dans la vallée du Fergana...
au travers de prairies verdoyantes parsemées de yourtes.

Puis la route redescend doucement en fond de vallée, jusqu'à Osh. Je m'y repose quelques jours. En chemin je traverse les jailoo, prairies d'altitude où les éleveurs kirghiz viennent planter leurs yourtes durant les mois estivaux afin d'y faire paître leurs troupeaux de moutons et de chevaux. En arrivant de Chine, à tous points de vue, le contraste est total ! Et déjà je commence à retrouver une certaine parenté occidentale, tant culturelle que linguistique, avec les nouveaux peuples que je rencontre.

De Osh au lac de Issy Kul...
en passant par Kazarman et Song Kul...
350 kilomètres de piste en piteux état...
toute en dénivelés.
 
Après Osh, je dois faire un détour par Bichkek, afin d'y faire mes demandes de visas pour les pays suivants. Pour ne pas emprunter deux fois la même route, je traverse le pays sur une piste en mauvais état qui longe les Tian Chan, au travers d'une région uniquement habitée par les éleveurs durant la saison d'été. La route de caillou est particulièrement difficile avec plusieurs cols bien raides. Mais les paysages sauvages sont fantastiques. Après avoir franchi la chaîne de Fergana, je rejoins le lac d'altitude de Song Kul, où je retrouve Ana et Andy, un couple d'Allemands voyageant en van. N'ayant plus de réchaud, cela améliore mon quotidien alimentaire car voilà une semaine que je mange des boites de conserves froides avec du pain rassi, suivi d'un délicieux café soluble également froid, sauf lorsque les éleveurs de chevaux m'invitent à partager leur repas dans leurs yourtes.

 Réveil matinal par une bande d'indiens faisant la farandole autour de ma tente...
 Quand nomades allemands et nomades kirghiz se rencontrent...
 ils s'invitent dans leurs caravanes respectives.

Mon détour me mène jusqu'à l'extrémité occidentale du lac d'Issy Kul, le second plus grand lac de montagne au monde. Puis je rejoins finalement la capitale kirghiz. Après 15 jours de camping sauvage, le retour à la civilisation et à la conduite urbaine demande un moment d'adaptation mais la ville, relativement verte, est plutôt agréable. Très russifiée, la mixité ethnique y est incroyable. Au milieu de la route de la Soie, le Kirghizstan a toujours été un carrefour où se sont rencontrés différents peuples venus de Chine, de Perse, de Sibérie, de Turquie... Puis Staline a découpé l'Asie Centrale en frontières totalement aléatoires, afin de diviser pour mieux régner, laissant,  à l'indépendance des pays, une carte géopolitique sans logique. Aujourd'hui, la population de Bichkek se compose aussi bien des gens d'origine Kirghiz que Russe, Ukrainienne, Ouzbek ou Kazakh et des tensions éclatent parfois entre les différentes communautés. C'est un étonnant mélange culturel, où la population semble plus encline à la vodka qu'à la pratique de la religion musulmane.

Le lac de Song Kul, à 3000 mètres d'altitude...
C'est so cool !
But quite fresh at night.

Le Kirghizstan est plein de cyclo-voyageurs venus du monde entier, soit pour quelques semaines de vacances, soit en chemin dans un voyage au long cours. Je n'en ai jamais autant rencontré de tout mon voyage : un par jour en moyenne ! C'est vraiment un mode de voyage qui connait actuellement une expansion fulgurante. A Bichkek, il y en a des dizaines au transit, prenant quelques jours de repos en attendant un visa Chinois, Kazakh, Ouzbek, Tadjik ou Russe. Je retrouve là quelques connaissances : Pascal avec qui j'ai voyagé 15 jours en Chine, Susana une Espagnole qui rentre dans son pays depuis la Thaïlande (et oui, on commence aussi à rencontrer quelques filles qui voyagent seule à vélo et sans doute de plus en plus : allez les filles !), Chris un Anglais faisant son deuxième tour du monde à bicyclette avec, à ce jour, plus de 70 000 kilomètres au compteur (!!!), Tom parti il y a deux ans de Belgique... et bien d'autres encore aux parcours souvent impressionnants. C'est une vraie nouvelle tribu de nomades contemporains. Nous sommes une quinzaine à  avoir planté nos tentes dans le petit jardin d'Angelina et Nathan, un couple bulgaro-canadien on ne peut plus accueillant. Après avoir pas mal bourlingué, ils se sont posés ici il y a quelques mois, ouvrant leur maison aux voyageurs à vélo. Et c'est vraiment le paradis du cycliste !

Tom, Pascal et Susana
Camp de base


En attendant mes visas ouzbek et iranien, je pars quelques jours randonner en montagne avec Susana, Nathan, Pascal, Tom, Anaïs et Manu, un jeune couple de Français voyageant en tandem. Nous partons tous ensemble à vélo, à une cinquantaine de kilomètres de Bichkek, dans la chaîne de l'Alatau, qui surplombe la capitale kirghiz. C'est une véritable cyclo-expédition qui ne passe pas inaperçue ! Après une première nuit au bord de la rivière Ala-Archa, nous montons poser nos tentes au camp de base, installé au pied du glacier. Le lendemain, nous partons escalader le Mont Uchitel, culminant à 4570 mètres d'altitude. Après 2500 mètres de dénivelés, la plupart du temps dans un pierrier bien raide, nous atteignons les neiges éternelles du sommet. Ce site magnifique était une base d'entrainement de l'Union Soviétique et, aujourd'hui, il demeure très fréquenté par les montagnards russes.



Au sommet de l'Uchitel
De retour en vallée, on s'effondre sous un arbre,
avant une invitation impromptue à un pic-nique matinal kirghiz, arrosé de vodka.

Après plus de trois semaines passées à Bichkek et ses environs, j'obtiens enfin mes visas pour l’Ouzbékistan et l'Iran. Le 6 août, Pascal et moi allons reprendre la route ensemble, direction Tachkent, capitale de l’Ouzbékistan, où nous devons encore faire la demande d'un visa de transit pour le Turkménistan. En Asie Centrale ces démarches administratives sont kafkaïennes, en particulier l’été où les jours fériés se multiplient, alors que la présence touristique est la plus importante.





Plus les semaines passent, plus il y a de cyclo-voyageurs à Bichkek. Comme nous, ils restent souvent là, coincés quelques temps, à attendre un visa pour l'un des pays voisins. Après des mois de voyage en solitaire, c'est surprenant et bien marrant aussi de se retrouver à la terrasse d'un café avec une dizaine d'autres cyclistes, à partager nos différentes expériences. Une chose est sure, le voyage à vélo a de beaux jours devant lui !

Intérieure d'une yourte kirghiz